Des difficultés insurmontables

La Libération de Paris n'est pas la fin de la guerre … les Parisiens ne vont pas tarder à s'en apercevoir. Le rationnement continue, il est même augmenté pour certains produits de première nécessité; les transports en commun tardent à redémarrer, l'électricité est comptée ainsi que le gaz. Les employés et les ouvriers qui n'ont pu se rendre à leur travail ne sont pas payés. Les Américains ne souhaitaient pas investir Paris dans l'immédiat, la prise en charge de la population ne figurait pas dans les plans de l'Etat-Major. Le Gouvernement provisoire de la République Française va essayer de faire de son mieux. Les hauts fonctionnaires les plus impliqués dans la collaboration (le Préfet de police, le Préfet de la Seine et le Président du Conseil Municipal de Paris) sont immédiatement arrêtés et remplacés, de nombreux chefs de service subissent le même sort. La réorganisation sera longue et difficile … avec ses laissés pour compte … avec ses profiteurs (souvent les mêmes qui s'étaient enrichis pendant l'occupation).

Libération du 22 août 1944

La rapacité de l'ennemi, l'impéritie du gouvernement fantôme ont placé la population parisienne dans une situation grave mais avec le concours de toutes les bonnes volontés nous sommes assurés de la dominer. L'acheminement des denrées nécessaires va être intensifié avec le concours des Alliés. La répartition en sera effectuée dans des conditions de rigoureuse équité. Mais les actes de pillage indignes de la France et de la République seront sévèrement réprimés.

L'Humanité du 22 août

On offre dans certains restaurants des repas à quatre cents francs, près de la Porte Saint-Denis un margoulin vend le plat de viande cent vingt francs …

Français et Françaises ! Formez dans chaque arrondissement et dans chaque municipalité un comité local de ravitaillement …

Ménagères ! Dans chaque quartier formez votre comité local de ménagères …

Ecrivez à l'Humanité les noms et adresses des margoulins du marché noir. Notre journal se chargera de faire à ces affameurs toute la publicité nécessaire.

Combat du 25 août

La Préfecture de Police communique : Dans son intérêt, la population est instamment invitée à ne plus utiliser le gaz d'éclairage jusqu'à nouvel avis, en raison du danger grave qui pourrait en résulter. Dès que ce danger aura disparu, la population en sera informée.

La distribution des titres de rationnement aura lieu à partir du 26 courant dans les conditions habituelles. Les feuilles de tickets de matière grasse et de viande contre le coupon n° 7 de septembre, celles de tickets supplémentaires pour travailleurs de force en échange du coupon n° 9 de septembre. Les cartes de lait entier ou standard en échange du coupon n° 8 de septembre.

A partir de lundi prochain 28 août vingt nouveaux points de textile seront débloqués. Ce sont les points 41 à 58 inclus de la carte A, ancien modèle, papier rose.

L'Humanité du 25 août

Le Secrétariat général au ravitaillement décide de procéder immédiatement au recensement des stocks de blé et de farine disponibles dans les organismes stockeurs et les moulins et d'avertir les organismes stockeurs et les meuniers que ces stocks sont réservés à l'approvisionnement de Paris.

Le Service de santé fait savoir qu'une certaine quantité d'insuline est mise à la disposition des diabétiques 73, rue Dutot (15ème)

Défense de la France du 26 août

Le bruit avait couru que les billets de banque français étaient appelés à perdre une partie de leur valeur, notamment les grosses coupures qui seraient estampillées. Il ne s'agit que d'une rumeur sans fondement. De même, la mise en circulation par les armées alliées de billets spéciaux, qui sont échangés franc pour franc contre des billets de la Banque de France, ne doit pas entraîner une diminution de la valeur de la monnaie française en circulation.

Le Populaire du 27 août

Le pain : des camions sont arrivés, contenant de la belle farine blanche inconnue des moins de cinq ans. Les boulangers ont foncé. On a vu du pain blanc, pas partout évidemment, mais cela va venir. La viande : 85 tonnes de frigo, dont la majorité est du veau, seront réparties dans les boucheries et surtout dans les cuisines municipales, cantines et cuiseurs ayant du charbon ou du bois à leur disposition. Le gaz : il faut que les ménagères prennent patience. Les consommateurs doivent absolument s'interdire un allumage quelconque en ce moment. La pression maintenue dans les canalisations est calculée mathématiquement pour empêcher de justesse l'introduction de l'air dans les tuyaux. Du charbon va arriver incessamment à Paris par camions. Attendez quelques jours pour ne pas attendre quelques semaines ! Le métro :  d'une petite enquête faite cet après-midi quai de la Rapée, il ressort que lignes, canalisations et stations doivent être vérifiées car les combats dans le souterrain ont été nombreux. Cela fait, restera la question du courant. Parisiens, vous n'aurez pas encore de métro lundi, mais peut-être dans les jours qui suivent.


poste spéciale F.F.I du 26 août 1944

Le Figaro du 28 août

La grève des P.T.T en paralysant définitivement les communications de l'ennemi a précipité son départ et avancé la libération de la capitale. Nous pouvons espérer correspondre bientôt avec nos concitoyens de Marseille et de Lyon, de Caen et de Bordeaux.

Les premiers trains partant de la capitale ou arrivant de la province transporteront avec le courrier prêt à l'expédition les colis postaux si utiles au ravitaillement de Paris. Les communications téléphoniques urbaines et régionales fonctionneront normalement sans tarder. Il faudra attendre le nettoyage des régions du midi pour entrer en contact avec l'Afrique du Nord.

Le Populaire du 30 août

85 tonnes de viande de boeuf frigorifiée sont arrivées aux Halles centrales, 45 camions de légumes ont été pointés au poste central, rue Saint Denis, contenant tomates, choux, salades, navets.

Le ticket DU donne droit actuellement à 250 grammes de biscuits à prendre chez les boulangers au fur et à mesure de leur approvisionnement.

Un premier convoi de ravitaillement, comprenant des produits pharmaceutiques, du lait condensé et des vivres de première nécessité, est arrivé. Un accord a été signé avec les Américains en vue du ravitaillement sanitaire de la capitale.

Maintenant que la capitale est libérée les commerçants se doivent d'ouvrir leurs boutiques, de faire disparaître les cache-vitrines imposés par l'occupant et aussi d'aller dans leurs réserves secrètes pour garnir les étalages. Nous sommes entre nous, montrez la marchandise et … changez les étiquettes.

Ce soir camouflez soigneusement vos lumières de 21h06 à 6h37.

On peut espérer que la reprise d'un service réduit du métro sera possible dans les premiers jours de la semaine prochaine.

Le retour à l'heure française, quoique vivement désiré, ne pourra se faire qu'au moment où le courant nous sera donné plus largement.

les ouvriers de la voirie ont aussitôt entrepris le repavage de la chaussée là, où ces jours derniers, s'élevaient des barricades.

aux dix lignes qui ont été remises en service hier s'ajoutent, à partir d'aujourd'hui les trois suivantes :

63 : Petit Colombes – Porte de Champerret

75 : Asnières (place Voltaire) – Saint-Cloud

EQ : L'Hay les Roses – Porte d'Italie

Et personne ne se doute que l'hiver 44/45, le sixième de la guerre, sera le plus dur pour tous les Parisiens … ni charbon, ni bois, avec un froid exceptionnel et des tourmentes de neige. Aucune ménagère ne peut imaginer qu'il lui faudra attendre le 2 mars 1949 pour voir le pain et les produits laitiers en vente libre. Le marché noir reste florissant; une hausse des salaires, fixée d'autorité à 50%, est loin de rétablir le pouvoir d'achat des Français; les prix réels des denrées n'ont aucun rapport avec les prix officiellement taxés. Les rations, 350 grammes de pain par jour, 150 grammes de viande par semaine, 500 grammes de sucre par mois, sont les mêmes que pendant la guerre. Dans les derniers mois de 1944, le souci de la vie matérielle est la préoccupation prédominante de la plupart des gens.

Suite – La découverte de l'horreur