A la "une" du journal Ce Soir du 24 août 1944, cette photo prise dans l'enceinte du Fort de Romainville aux Lilas. Dix hommes et une femme gisent sur le sol, ils ont été massacrés.
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à l'intérieur du Fort de Romainville aujourd'hui
Des Géorgiens de l'Armée Vlassov, succédant à la garnison allemande, se sont donc livrés ici à un massacre de dernière heure. Le policier assassiné place de la Mairie est le gardien de la paix Louis de Riz, 41 ans, qui, sortant de son commissariat en tenue civile le 19 août à 19h00 pour se diriger vers la Préfecture de police, croise à l'angle de la rue de la République et de la rue de Paris un groupe de soldats géorgiens manifestement ivres. Comme ses camarades il est fouillé. On trouve sur lui son arme de service. Il est abattu et décèdera quelques instants plus tard au cours de son transfert à l'hôpital Tenon.
L'Armée allemande a dû très tôt faire appel à des volontaires étrangers, ses propres troupes ne suffisant plus à "tenir" les immenses territoires conquis d'autant que le Front de l'est est un devenu un véritable cimetière pour la Wehrmacht. Le général Vlassov, capturé lors des premières offensives victorieuses, a accepté de lever une armée de volontaires parmi les prisonniers soviétiques détenus dans les camps allemands. Il seront beaucoup utilisés en France où ils se livreront à de nombreuses exactions.
De 1940 à 1944, le Fort de Romainville a servi de camp d'internement pour les étrangers, les Juifs, les prisonniers de guerre, les résistants et les premiers otages à partir de 1941. Environ 7 000 personnes, dont une bonne moitié de femmes, y ont été détenues, 80% d'entre elles ont été déportées. Le consul de Suède en poste à Paris, Raoul Nordling, a réussi à obtenir du Militärbefehlshaber in Frankreich (M.B.F, c'est à dire le Commandement militaire allemand installé à Paris) la libération de tous les détenus politiques des prisons parisiennes, Fresnes, Drancy, le Cherche Midi, la Santé, le Val de Grâce … et bien sûr Romainville dont les derniers occupants ont été pris en charge par une délégation de la Croix-Rouge française le 15 août. La garnison allemande a aussitôt quitté les lieux. Elle est immédiatement remplacée par une troupe de Géorgiens de l'Armée Vlassov qui marque ici une pause sur le chemin de la retraite.
Le 19 août onze F.F.I sont amenés au Fort. Ils ont été capturés dans la région parisienne. Le dimanche 20 août, avant de quitter les lieux, les Géorgiens les massacrent à coups de mitraillettes derrière le bâtiment central, le long du mur des anciennes latrines. La fusillade a été entendue dans les rues des Lilas. Le lendemain, 21 août, les résistants pénètrent dans le Fort et découvrent les cadavres. La scène sera filmée par une équipe du Comité de libération du cinéma français et largement diffusée dans les salles parisiennes quelques semaines plus tard.
Ce même 21 août, l'adjudant-chef Hans Schnerr, du Bataillon d'instruction de la 6ème Division de chasseurs allemands, est fait prisonnier alors qu'il traverse les Lilas à bicyclette. Le F.F.I Robinson le conduit au Fort où on lui montre les cadavres affreusement mutilés par les balles.
Il déclarera être particulièrement horrifié par le spectacle "d'un homme décapité par la mitraille, de la femme qui gisait le ventre ouvert …" Selon lui "aucun officier de l'Armée allemande n'a pu donner un tel ordre et faire preuve d'autant de sauvagerie. Seul un animal peut déchiqueter des corps de cette façon".
Un soldat géorgien, Tarrass Tschantlade, d'une trentaine d'années, encore ivre depuis sa capture la veille près du Fort, affirme ne rien savoir sur ces exécutions. L'adjudant-chef Schnerr craint que ces faits puissent avoir de lourdes conséquences sur le traitement qui sera réservé aux prisonniers allemands.
Les victimes :
Jeanne Benoit, originaire de Saint Maur, arrêtée le 19 août vers 13h00 parce qu'elle aurait abrité des parachutistes alliés; a fait vraisemblablement l'objet d'une dénonciation
André (Georges ?) Benoit, son fils
Pierre Carayon (*), sergent-chef des F.F.I arrêté à Champigny sur Marne (94)
Roger Chaffard
Norbert Deschaintres, 24 ans, sergent des F.F.I originaire de Bornel (60)
Roland Gaudin, originaire de Roissy en Brie; son père Lucien n'est pas rentré de déportation
Pierre Gourdon, 27 ans
Isidore Harris, 34 ans, sergent des F.F.I
Alfred Lamy, 44 ans
Alphonse Mazurano *, dit Frédo
Pierre Mongiat
(*) Pierre Carayon et Alphonse Mazurano sont beaux-frères; ils ont été arrêtés en compagnie de Deschaintres, Gaudin, Gourdon, Harris et Mongiat vers Champigny sur Marne.