Françoise – Les carnets de mon père – 22 Août 1944

Mon ami de Sainte-Marie a passé la nuit chez moi et repart très tôt ce matin par calme plat. Je sors vers neuf heures et trouve les premiers journaux de la nouvelle presse parisienne qui sont vendus à la criée malgré la présence des boches.

On retrouve l’Humanité, le Populaire et d’autres dont on entendait les noms à la radio anglaise depuis quelques années : Combat, Franc Tireur, Libération etc … ! Disparue la presse des Doriot et autres Déat ! Les marchands de journaux sont assaillis par un public avide de nouvelles et d’émotions inédites ! Car ces seuls titres de feuilles que l’on s’arrache signifient que les boches n’ont plus le contrôle de la vie de la capitale. Cependant ils sont toujours là, derrière leurs barbelés ; il circule toujours des camions qui souvent crachent la mort sur les attroupements de badauds. 

17h00 : La fusillade est infernale, le tac-tac rageur des mitrailleuses répond aux détonations sèches des fusils, aux rafales plus grêles des mitraillettes. J’observe la bagarre de chez monsieur Joussand mais là-bas sur la zone une femme hurle tandis qu’un homme affolé s’enfuit ; je la vois serrer quelque chose dans ses bras et l’angoisse m’étreint, comme les autres personnes présentes dans la loge, en pensant qu’il s’agit sans doute d’un enfant. D’un bond j’ai franchi la grille sans avoir raisonné, sans avoir supputé les chances de m’en tirer au milieu de ces rafales de tir ; je fonce vers la zone, des balles me sifflent aux oreilles et j’arrive pour recevoir dans mes bras une vieille femme sordide qui serre un paquet contre elle. Il ne s’agit pas d’un enfant mais de ses hardes. Le sang lui coule du visage. Je la porte et reviens aussi vite que possible vers la maison où on m’ouvre la porte … j’ai quand même eu chaud ! J’appelle Decamps qui est médecin et emmène la blessée à l’appartement qui est envahi par les locataires accourus. Une balle a traversé la mâchoire, on panse la plaie et on prévient le poste de secours par téléphone. Au bout d’une demi-heure les brancardiers arrivent et emmènent la pauvre femme dont on se demande ce qu’elle faisait sur le terrain vague durant la bagarre !!


Les brancardiers se dépensèrent sans compter pendant l'insurrection et comptèrent beaucoup de victimes dans leurs rangs.


mardi 15 août 1944
vendredi 18 août 1944
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