Une plaque … une histoire


Contre le mur du Luna Park, Porte Maillot septembre1944


Place du général Koenig aujourd'hui

Le 19 août 1944, les FFI s'emparent de la mairie de Neuilly sur Seine. La riposte allemande est immédiate. Les pertes sont très importantes et les combattants demandent désespérément de l'aide.

Du gardien Régnier du Service technique demeurant à Neuilly : Les FFI occupent l'intérieur de la mairie et du commissariat. Ils sont cernés par les Allemands avec des chars d'assaut. Plusieurs patriotes auraient réussi à s'enfuir par les égouts mais une grande partie se trouverait encore à l'intérieur. Le tir continue.

(Conversation téléphonique enregistrée à la permanence de la Préfecture de police)

Des renforts sont acheminés sur place. Le chef du bataillon "B" des FFI d'Argenteuil envoie un groupe. Trois hommes filent à toute allure en voiture mais se heurtent à un barrage improvisé par des soldats allemands, Porte Maillot, tout près du garage dont ils ont la garde. Le sergent Roger Sinner et les FFI Fernand Durbec et Mohammed Harbi sont extraits de leur véhicule sans ménagement et alignés devant le mur du Luna Park. Devant une foule de badauds médusés, les soldats les fusillent sans autre forme de procès.


Sur l'emplacement actuel de l'hôtel Concorde La Fayette se dressait, jusqu'en 1946, un parc d'attraction
(photo Lapi/Viollet 1946)

Roger Sinner, 32 ans, était originaire de Colombes. Fernand Durbec, 32 ans, de Bezons, décèdera à l'hôpital Paul Marmottan le 22 août. Mohamed Harbi, 39 ans, habitait Argenteuil.


Le 25 août, la bataille fait rage sur la place de  la République

Devant le 29, boulevard Saint-Martin des badauds se sont rassemblés pour observer les combats … comme au spectacle. Georges Méliès aurait aimé le clin d'oeil, lui pionnier du cinéma qui est né ici le 8 décembre 1861.

Tireurs des toits ? Balles perdues en provenance de la place toute proche ? Il y a des victimes. Pierre Dupont, brancardier du 3ème secteur de la Défense passive, se précipite. Il est mortellement touché alors qu'il se penche sur un blessé allongé devant la loge de la concierge. Là pas de doute. Il s'agit d'un tireur des toits.

L'immeuble a deux issues : boulevard Saint Martin et rue Meslay. Les policiers Lamy, Sailly, Copin, Baudoin et Deblaune grimpent dans les étages et se hissent sur le toit. Maurice Lamy, 29 ans, gardien de la paix du 3ème arrondissement, est atteint d'une balle en plein coeur. Les rapports ne disent pas si les tireurs ont été arrêtés.

Pierre Dupont, 38 ans, ouvrier polisseur de son état, était marié et père de quatre enfants. Rien ne l'obligeait à se porter volontaire, précisa son chef d'équipe quand il vint annoncer la triste nouvelle à sa veuve enceinte d'un cinquième enfant, il s'est conduit en héros. Son acte de bravoure lui vaudra une citation à l'Ordre de la Nation, la Légion d'honneur et la médaille de bronze pour acte de courage et de dévouement. Son chef de groupe FFI fera octroyer des subsides à sa famille soudainement privée de tout soutien.


12 août 1944 tard dans la soirée, les Pavillons sous Bois … le boucher André Hughes rentre à son domicile dans son camion de livraison. Il a pris à son bord une jeune fille. Le couvre-feu est largement dépassé. Hélas ! Il tombe sur une patrouille allemande. Il accélère … Des coups de feu … Il est mortellement touché.

13 août, la population locale se rassemble en plein centre ville pour manifester contre ce lâche assassinat. La garnison allemande est sur ses gardes. Soudain une voiture pavoisée aux couleurs FFI fait irruption près du cortège. Les soldats se ruent sur elle et en extirpent quatre jeunes gens armés. Conduits sur la place du Marché aux poissons, ils sont immédiatement passés par les armes devant la foule apeurée.

Léonard Desjardins, 20 ans, était originaire de Villemomble. Guy Grandin, 20 ans, habitait les Pavillons sous Bois tandis que Jean-Maurice Keusch, 20 ans, vivait à Gagny et Gabriel Richet, 24 ans, au Raincy.


21 août 1944, Ris-Orangis : un groupe de FFI tire sur un véhicule allemand et s'enfuit. Y a-t-il des blessés ? des morts ? On ne le sait pas. Quelques instants plus tard une colonne apparaît en haut de la côte sur la RN7, en tête une automitrailleuse. Les soldats descendent à terre et se répandent dans la ville. Ils ouvrent le feu sur la population. Le commandant du secteur a ordonné de sanglantes représailles. 

On relèvera neuf morts et dix-huit blessés. Des otages seront épargnés grâce à l'intervention des autorités communales. Après guerre les Rissois critiqueront amèrement le comportement de ces FFI inconscients des dangers qu'ils faisaient courir à la population civile.

Parmi les tués :

Victor Menegatti, 49 ans, et son fils René, 19 ans; Achille Van Troostenberghe, 42 ans; Roger Bailly, 18 ans; Maurice Ramay, 76 ans; Colette Chauvin, 17 ans; André Anceau; Gaston Raffestin, 29 ans et un inconnu non encore identifié.

Le 24 août, Ris-Orangis accueillera ses libérateurs, les Américains, dont l'un perdra la vie, chemin de l'Ecorne-boeuf, sous les tirs d'une batterie allemande cachée derrière le château de Champrosay.


2 G.I de la 4ème Division d'infanterie, photographiés le 24 août à Ris-Orangis.

Eric Bardochan, membre du Groupe de recherche d'histoire locale de Ris-Orangis , a pu découvrir l'endroit exact où cette photo a été prise le 24 août 1944 par Léon Tabourdiot, gendre de Robert Rohaut, résistant rissois et futur conseiller municipal.

Les deux soldats américains se tenaient sur le chemin des Glaises qui donne sur la RN 7. Précisions de la petite-fille de M. Rohaut : ses grands-parents habitaient dans l'impasse Marie-Thérèse située à deux pas. Bruno Renoult, auteur de plusieurs ouvrages sur la guerre en Ile de France, indique qu'ils appartenaient vraisemblablement au 22ème Régiment d'infanterie de la 4ème Division US et rajoute que l'unité allemande qui s'est opposée à leur progression à Ris-Orangis était le groupe de combat Wolf du 2ème bataillon du Sicherungs Regiment 190 de la 352ème Division d'infanterie commandée par le général von Schuckmann.



Métro Dupleix

24 août 1944 : De tous les hommes de la division qui virent ce soir-là monter en ligne les éléments qui s'ébranleraient le lendemain les premiers vers Paris, aucun sans doute ne ressentit plus d'émotion que l'adjudant René Berth, 40 ans, du 1er RMT. Le grand garçon blond qui passait debout dans un half-track de la 97ème compagnie de QG, était son fils Raymond qui l'avait rejoint dans les rangs de la 2ème DB… Louise Berth, à Choisy le Roi, ignorait encore que son mari et son fils allaient libérer Paris … "Demain Maman va faire une drôle de tête en nous voyant arriver tous les deux" cria Raymond à l'adresse de son père … René ira seul à Choisy le Roi. Raymond a été tué d'une balle dans la tête près du métro Dupleix.

D. Lapierre et L. Collins : Paris brûle-t-il ?


cimetière de Pantin

De nombreuses voitures FFI sanglées de drapeaux tricolores nous dépassent. D'autres FFI, à pied, galopent en tirant. Des blessés. De la fumée. Une rue barrée. Nous entendons un coup de canon. La vitre d'un magasin s'écroule. C'est une automitrailleuse allemande. Nous sommes un groupe de cinq chars. C'est le Tromblon qui mène la bande. Maclou nous jette "On connaît le quartier". A cent mètres le métro aérien. Un incendie dans notre dos quelque part à gauche. Nous croisons des pompiers. A l'instant où nous arrivons à la hauteur de Dupleix des cris autour de nous. Le claquement des balles. Le Tromblon canonne. La Couleuvre s'arrête. Une balle a touché le moteur. Maclou ? Le Tromblon est immobilisé. On en descend un corps massif. C'est Maclou. Il a reçu une balle en pleine tête…

Bertrand de Chézal : A travers les batailles pour Paris

Bertrand de Chézal est entré dans Paris, comme correspondant de guerre, dans les rangs de l'Escadron de protection du général Leclerc. Il circule à bord d'une Matchless de récupération baptisée la Couleuvre. Quelques pages avant il décrit Maclou, le pilote du Tromblon, un obusier M8 du peloton du 12ème Cuir : Une superbe barbe brune, de larges yeux bleus, bronzé et sale; il a rejoint le général au Cameroun. Sa mère et sa soeur habitent rue Fondary dans le 15ème, tout près du métro Dupleix.


L'adjudant-chef Henri Paquin, qui figure sur la plaque du métro Dupleix, commandait le peloton de chars moyens de l'escadron d'état-major du 12ème Cuir. Il ne peut donc s'agir de Maclou. Qui est donc ce pilote du Tromblon tué ici mais qu'aucune plaque n'honore ?


Jean Bénazet, aujourd'hui âgé de 88 ans, était maréchal des logis et chef du char Le Tromblon. Il nous livre son témoignage :

Je commandais le groupe de chars du peloton Duplay qui avait pour mission de rallier la gare Montparnasse par le boulevard de Grenelle. Devant mon char, Le Tromblon, un half-track nous montrait le chemin. Mon tireur Raymond Berth y était monté, il connaissait la route à suivre. Au métro Dupleix nous sommes arrêtés par une barricade; une fusillade éclate, venant du métro aérien. Je suis à la mitrailleuse, j'ai pris la place de Berth. Je tire sur les miliciens qui s'enfuient par le métro aérien vers la station Pasteur. Je saute de mon char avec ma carabine automatique et grimpe quatre à quatre les escaliers. En haut des marches j'aperçois les tireurs au loin. Je tire quelques rafales … ils sont trop loin. Je perce une conduite d'eau … un grand jet arrose la place. Je redescends vers mon char et c'est là que j'apprends que Berth a été tué dans le half-track. On le transporte à la pharmacie voisine. Pendant ce temps la barricade a été dégagée par des civils. Je continue ma progression vers la gare Montparnasse.

En dehors de Raymond Berth, je ne connaissais aucun des occupants du half-track. Mon équipage se composait de Bouyer (dit Boubouk), conducteur, Desabres, aide conducteur, Raymond Berth, tireur.

A Antony Claude Dauphin et un important FFI, dont j'ignore le nom, étaient montés à bord.


Le nom de Raymond Berth a été rajouté sur les flancs du Tromblon


Jean Bénazet aura le privilège de défiler aux côtés du général Leclerc


D'autres victimes sont tombées lors de cet épisode :


Jean-Louis Suchet a été tué non loin de là 93, rue du Commerce


le sergent-chef FFI Camille Monnin au métro Dupleix

plaques suivantes …