La prise de la Mairie de Neuilly sur Seine

Main courante de la Préfecture de police :

appel du gardien de la paix Régnier, domicilié à Neuilly sur Seine : Les FFI occupent l'intérieur de la Mairie et le commissariat. Ils sont cernés par les Allemands avec des chars d'assaut. Plusieurs patriotes ont réussi à s'enfuir par les égouts mais une grande partie se trouve encore à l'intérieur. Le tir continue …


Tout a commencé ce matin du 19 août 1944 quand, à 8h00, deux soldats allemands installés à la terrasse d'un café rue de Chézy, sont désarmés et arrêtés par un petit groupe de FFI. Ils sont immédiatement conduits au commissariat de police. Mais Jeannine, la serveuse du café, est la maîtresse de l'un des soldats. Elle court prévenir la Kommandantur.

La fièvre s'est emparée des résistants locaux. Le drapeau est hissé sur le mat. On appelle le commandant Caillette et le maire adjoint Emile Marion. Louis Berty, charcutier à Nanterre, arrive avec 65 FFI du groupe Zadig. La foule commence à s'amasser … on entend la Marseillaise. Des FFI de communes proches viennent en renfort.

Le groupe de Berty possède deux mitrailleuses, elles sont mises en batterie. Les hommes armés se postent aux fenêtres. Ils attendent.

Mais la ville de Neuilly sur Seine, à deux pas du Bois de Boulogne, est peut-être la ville la plus "occupée" de la banlieue parisienne. Les Allemands y tiennent une garnison d'au moins 5000 hommes : la Feldkommandantur, la Feldgendarmerie, des services de la Gestapo, la Croix Rouge allemande, un groupe de transport, une annexe de l'état-major de Paris, le dépôt de Montebello.

Que pourra faire ce petit groupe d'insurgés ?

La réaction ne tarde pas.  A 10h30, le Feldkommandant envoie un sous-officier et sept soldats pour récupérer les deux prisonniers.

"Sortez tous et renvoyez les soldats allemands", crie-t-il devant le perron de la Mairie en ponctuant sa phrase d'un coup de pistolet tiré en l'air. C'est le signal de la fusillade. De toutes les fenêtres les hommes ouvrent le feu. Les sept Allemands sont tués. Ils gisent à terre criblés de balles. Le silence s'est fait. En contemplant le carnage, le commandant Caillette pense immédiatement que les Allemands vont revenir en force … la bataille sera inégale. Il faut fuir. Il exhorte les badauds à rentrer chez eux. Mais parmi les FFI il en est qui veulent rester. Il appelle donc la Préfecture de police pour demander des renforts. Un interlocuteur lui en promet … qu'il ne verra jamais arriver. Et pour cause ! La Préfecture est en état de siège dans l'Ile de la Cité.

A 11h45 des bruits de moteurs… une dizaine de camions déversent une compagnie du 5ème Régiment de sécurité. Deux tanks prennent position sur la place, un troisième dans le square, derrière l'édifice. Les hommes du 5ème Régiment, qui ont déjà perdu une dizaine des leurs, tués ou blessés en sautant des camions, s'installent dans les immeubles avoisinants, montent même dans le clocher de l'église Saint-Pierre. Les mitrailleuses entrent en action et arrosent la façade de la Mairie.

Sur cette plaque commémorative apposée dans le hall de la Mairie on peut découvrir la liste des Neuilléens morts pour la libération,

Les tirs sont précis et meurtriers. La salle des fêtes est jonchée d'éclats de grenades, on y entasse les morts et les blessés.

Les FFI n'ont prévu aucun service sanitaire, aucun pansement … il n'y a même pas d'alcool pour nettoyer les plaies. Les cravates servent à faire des garrots, une bouteille de cognac a été trouvée … les défenseurs marchent dans les flaques de sang …

A 16h00, environ 300 SS arrivent pour renforcer l'attaque. Le Feldkommandant a décidé d'employer les grands moyens pour "mater" cette révolte. Un des chars tire un obus fumigène dans le bureau du maire. Un deuxième obus, explosif celui-là, fait sauter le portail en fer forgé. Un char s'élance contre la mairie … et parvient à pénétrer dans le hall en crachant des flammes. A l'étage c'est l'affolement. Un FFI a juste le temps d'écrire au crayon sur une colonne "Souvenir du Groupe Liberté. Honneur à nos morts et blessés. Vive la France" (cette inscription, protégée par une plaque de verre, est visible de nos jours ainsi que les traces de chenilles sur les marches du perron).

Plusieurs FFI courent se réfugier dans les locaux du commissariat où ils savent trouver une plaque d'égout qui leur permettra de s'enfuir vers le grand collecteur de l'avenue du Roule. D'autres se cachent dans la cheminée monumentale où ils resteront terrés 24h00.

Les Allemands pénètrent dans la Mairie. Ils y découvrent 12 cadavres et 62 blessés. Berty et quelques uns de ses hommes sont faits prisonniers et alignés devant un mur. Pierre Le Guen, jeune FFI de 17 ans, n'a pas eu le temps d'ôter son brassard, il est abattu sur place. Le colonel Hans Jay, qui a dirigé les opérations du côté allemand, a d'abord l'idée de les fusiller tous mais Max Roger, le maire en titre nommé par le Gouvernement de Vichy, parvient à le convaincre que parmi les prisonniers se tiennent des employés municipaux totalement étrangers à l'affaire. C'est finalement 30 hommes qui seront conduits à pied vers l'avenue de Madrid puis embarqués dans des camions à destination du Mont Valérien. Heureusement pour eux, le surlendemain ils seront échangés contre des prisonniers allemands détenus à la Préfecture de police.

sur un mur extérieur de l'édifice, on trouve celle-ci qui concerne les quatre policiers du commissariat.


Les victimes :

G. Baggiani (ou Paggiani) R. Clerget
Pierre Debry, marchand de volailles 4, place Parmentier à Neuilly sur Seine. Gustave Devresse
Henri Fortin E. Jourand
Pierre Le Guen Richard Léger, domicilié 5, rue Joseph Rivière à Courbevoie.
Auguste Maillard, sculpteur domicilié 1, rue des Huissiers; tué par une balle perdue devant son immeuble Frédéric Malvezin, 30 ans, gardien de la paix au commissariat
Louis Peyrot, 24 ans, gardien de la paix au commissariat; décédé de ses blessures à l'hôpital de Neuilly René Picard, 31 ans, gardien de la paix au commissariat
Jean Riolet, 32 ans, gardien de la paix au commissariat P. Salmont, domicilié 38, rue de Sablonville à Neuilly
Louis Varnier, chef d'îlot du 16ème secteur de la Défense passive

 


le corps d'Auguste Maillard tué devant son domicile


Voici, brièvement, les circonstances des décès des autres personnes citées sur cette plaque :

Paul Bertin, 18 ans, Emile Hervelin, 42 ans, et J. Caussin sont tués dans la nuit du 19 au 20 août au cours d'une reconnaissance près du dépôt de munitions de Montebello, boulevard Richard Wallace.

Daniel Gérard, 32 ans, tombe au même endroit le 21 août.




Toujours boulevard Richard Wallace : Maurice Brelet de Suresnes, Jean Fouque, 24 ans, André de Craponne, officier de réserve et frère d'une artiste lyrique, Jean-Claude Chayet. Mais ils ne sont pas répertoriés sur la plaque de la Mairie de Neuilly.

René Guiot, 23 ans, et Henri Van Hulst, 19 ans, pompier auxiliaire, sont tués le 25 août 11 avenue de Madrid. L. Legras (ou Legrand), G. Mourer, G. Richard, Lucien Wargny et J. Lescao tombent boulevard Maurice Barres.

lire le témoignage


Louis-Aloïs Danzer, 59 ans, tient un manège de chevaux dans le Bois de Boulogne. Le 25 août il se retrouve dans la rue face à un convoi allemand. Il est coupé en deux par une rafale de mitraillette. (Un grand merci à son petit-fils Boris pour ces précisions et la photo)


Constant Ruchaud, 42 ans, sous-brigadier des compagnies de la circulation de la Préfecture de police, est mortellement blessé le 24 août sur le Pont de Neuilly et décèdera le 27.

Raymond Berna, de Puteaux, est abattu le 31 août par un milicien rue de Longchamp à Neuilly