André – Equipier d’urgence à la Croix-Rouge française

André a dix huit ans. Il est membre des Equipes d'urgence de la Croix Rouge Française de Suresnes.

Le 24 août au soir, il se tient en compagnie de quelques camarades chez le responsable de secteur attendant le coup de téléphone qui demandera des secours.

Vers minuit, aplati sur le balcon de l'appartement, boulevard Henri Sellier, le petit groupe assiste au départ de la garnison allemande du Champ de course de Longchamp. Les soldats, leur a-t-il semblé, ont tiré sur Paris avec leurs canons de D.C.A avant de partir.


La ville de Suresnes a été relativement calme pendant les premiers jours de l'insurrection. Le 25 août verra la capitulation de la forteresse Montebello, important dépôt d'armes et de munitions, sous les coups de boutoirs des FFI et d'un détachement de la 2ème Division Blindée.

Vers sept heures du matin, avec des camarades FFI, André va visiter les locaux du Champ de course abandonné par les Allemands. En fin de matinée les premiers éléments de la 2ème DB arrivent à Longchamp.


"Il est environ quinze heures quand nous apprenons que les Allemands résistent du côté de la Porte Maillot. Nous partons à trois -deux FFI de Suresnes et moi- et, à pied, longeons les terrains de sport de Bagatelle. Comme nous approchons de la Porte de Madrid, nous entendons de plus en plus fort la canonnade. Un véhicule blindé de la 2ème DB fait demi-tour dans le boulevard Charcot et vient s'arrêter dans le virage du Château de Madrid. Nous nous approchons … un obus a traversé la tourelle sur le côté gauche et a décapité le canonnier. Je suggère au conducteur et à son camarade de rejoindre le poste de secours de Suresnes et me propose de leur indiquer la route. Je monte sur l'automitrailleuse, accompagné d'un des deux FFI. Nous prenons le boulevard Richard Wallace. A la porte de Bagatelle, un lieutenant de la 2ème DB, juché sur une moto, nous arrête et nous demande où nous allons. Il décide de nous accompagner. Nous empruntons alors la route du bord de l'eau et traversons sur le Pont de Suresnes pour atteindre le poste de secours. Aidé par les deux militaires et par un secouriste, je parviens à extraire par la tourelle le corps mutilé du canonnier, puis nous le disposons sur un brancard. L'automitrailleuse repart vers le bois avec le FFI;  le lieutenant à moto la précède. Je reste au poste de secours. Une heure se passe et voilà qu'un véhicule de la 2ème DB s'arrête devant le poste de secours et dépose le lieutenant … D'après les soldats il a reçu une balle en pleine tête, tirée par un Allemand embusqué dans le bois.

Le tireur décapité était le quartier-maître Le Bourdiec, le lieutenant à moto était le lieutenant de vaisseau Vassal. Tous deux ont été enterrés dans le cimetière de Suresnes. Je ne sais pas ce qui s'est passé après le départ de l'automitrailleuse mais elle n'était plus en état de tirer au canon. C'était le matelot Orsatelli qui la conduisait, accompagné du quartier-maître Martin. Pour les deux des FFI de Suresnes, celui qui est resté à la Porte de Madrid était très certainement Henri Van Hulst et celui qui a accompagné le véhicule blindé, René Guiot.



le lieutenant de vaisseau Vassal


Dans son ouvrage, "les Fusiliers marins dans la Division Leclerc", le capitaine de frégate Raymond Maggiar, commandant le RBFM écrit :

D'un courage et d'une modestie sans égale, Vassal s'était déjà distingué en 1940, en arrêtant dans les Alpes, avec quelques canons de 37mm, une colonne blindée allemande. Il aimait le danger, l'atmosphère des combats. Il s'y sentait à l'aise. La guerre n'était pas une épreuve pour lui, mais l'occasion de révéler son mépris du danger, son sang-froid, et ce détachement de la vie auquel il semblait toujours prêt. Il est tombé comme un chevalier, frappé d'une balle au front, alors qu'il s'avançait seul, debout, en avant de ses hommes, pour effectuer une reconnaissance. L'aspirant de Sazilly (*) et le second-maître Le Dreff vont, en rampant, chercher son corps et le ramènent après être restés vingt minutes sous le feu de l'ennemi.

(*) Roger Torterue de Sazilly sera décapité par un coup de panzerfaust le 23 novembre 1944 alors qu'il ouvre la route de son détachement à bord de l'automitrailleuse "Hunier" dans le défilé de Kronthal (67).


Laurent Fournier, qui depuis plusieurs années reconstitue les combats de la 2ème DB lors de la Libération de Paris, nous apporte les précisions suivantes :

L'automitrailleuse du quartier maître Le Bourdiec appartenait au 2ème peloton du 1er escadron du RBFM, escadron faisant fonction d'élément de reconnaissance du régiment. J'ai pu interroger trois matelots de ce peloton, Moreau, Koenig et Rabier. Selon ce dernier, aujourd'hui décédé, c'est un canon de 88mm autrichien qui a touché l'automitrailleuse et décapité Le Bourdiec. Les soldats allemands étaient assis autour d'une table à côté de la pièce et quand ils ont vu arriver le véhicule, l'un d'entre eux a tiré sur une ficelle reliée au dispositif de mise à feu. Le lieutenant Vassal, qui commandait le 1er peloton, a été tué d'une balle en pleine tête alors qu'il pénétrait dans le Jardin d'Acclimatation, certainement près des deux maisons des gardiens à l'angle de l'avenue de Madrid et de l'avenue Maurice Barrès. Le matelot Orsatelli appartenait au 3ème peloton commandé par l'aspirant Laforest. Il est mort à l'hôpital. Sur la plaque figure également le quartier maître Martin mais pour l'instant je ne possède aucun renseignement sur les circonstances de son décès.


Le Journal de marche du 2ème escadron du RBFM précise :

Deux automitrailleuses du 1er escadron ont été mises hors de combat. Le colonel Rémy, chef du GTR, charge le lieutenant de vaisseau Guillon d’attaquer par le Sud avec le peloton du lieutenant de vaisseau Vassal et deux tanks du 3ème peloton. M. Denis, responsable des FFI de Neuilly sur Seine sert de guide. Vassal est tué dès le début de l’affaire d’une balle dans la tête en tentant de contourner le Jardin d’Acclimatation. Les chars l’Epervier et le Milan rejoignent l’avenue de Madrid. Le Jaguar a mis le feu à quatre camions. Les balles sifflent. Le commandant Maggiar est blessé à la tête et évacué. Un obus allemand tombe au milieu d’un groupe de marins occupés à mettre une mitrailleuse en batterie à droite de l’avenue. Agostini (*) est très grièvement blessé, il décèdera à l’hôpital ; Hélias l’est plus légèrement. L’Epervier tire au canon sur les fenêtres d’un pavillon. Le Jaguar débouche à trente mètres et ouvre le feu, Tringat est blessé au moment où il descend de son char. L’Epervier et le Milan poursuivent les tirs. Le calme revient vers 17h00. Le colonel Rémy donne l’ordre aux tanks-destroyers de se poster avenue de la Grande-Armée où l’Albatros répond au canon aux tireurs des toits. Le Vautour, quant à lui, répond aux acclamations de la foule… 18h00, le colonel Rémy apporte la nouvelle de la capitulation sans conditions du général von Choltitz. Un officier de la Division et un officier allemand muni d’un drapeau blanc pénètrent dans le réduit de l’avenue de Madrid. Les spahis y sont déjà. Du haut des toits quelques soldats allemands continuent de tirer. Le colonel commandant la garnison donne l’ordre de cesser le feu. Une cinquantaine d’officiers se rendent et déposent leurs armes. Bilan de l’opération : plus de huit cents prisonniers, un millier d’armes individuelles, dix tonnes de munitions, mines et explosifs, quarante voitures et camions.

(*) Il doit s'agir vraisemblablement du matelot Orsatelli


Ces combats feront les victimes suivantes parmi les FFI :

René Guiot, 23 ans, tué en tentant de franchir le carrefour sous la mitraille; L. Legras; J. Lescao; G. Mourer; G. Richard; Henri Van Hulst, 19 ans, pompier auxiliaire atteint d'une balle dans la tête alors qu'il fait le coup de feu d'une fenêtre au premier étage d'un immeuble et enfin Lucien Wargny, notaire à Neuilly sur Seine et soldat des FFI.


On relèvera également le décès de Louis-Aloïs Danzer, 59 ans, qui tient un manège de chevaux dans le Bois de Boulogne. Il s'est retrouvé face à un convoi allemand et a été coupé en deux par une rafale de mitraillette. (Un grand merci à son petit-fils Boris pour ces précisions et la photo)