Terreur à la Gare du Nord

La gare du Nord, comme les autres gares parisiennes, fut tenue jusqu'à la dernière minute par les troupes d'occupation. Il s'agissait de préserver une ultime voie de retraite. Sa garnison composée de soldats de la Wehrmacht et d'agents de la Reichbahnof patrouillera dans les rues adjacentes, arrêtera des passants et des FFI, se livrera à des exécutions sommaires. Jusqu'au 25 août il fut particulièrement dangereux de s'approcher de la gare. Nombreuses furent les victimes.


l'Humanité du 19 octobre 1944

Le monument érigé à l'époque rue de Compiègne fait état de 30 civils "lâchement" assassinés entre le 19 et le 21 août 1944.

Aujourd'hui  la plaque a été rénovée et indique qu'ils ont été "sauvagement assassinés". A quelques mètres de là une deuxième plaque rappelle le souvenir de 10 français tués sur place et reprend les termes "lâchement assassinés"

Un peu plus loin sur un mur de la rue de Maubeuge, en se dirigeant vers le boulevard de la Chapelle, on trouve cette troisième plaque. En fait les Allemands fusillaient leurs prisonniers à l'abri des regards rue de Compiègne, rue de Maubeuge, entre la gare et l'hôpital Lariboisière.

A l'angle de la rue Ambroise Paré et de la rue de Maubeuge, une quatrième plaque :

Vincent Di Bella, 17 ans, et Robert Cabirol, 19 ans, ont été arrêtés le 21 août 1944 place de la Chapelle. Trouvés en possession de tracts, ils sont aussitôt fusillés.


Mais reprenons la chronologie des évènements.

Le 17 août à 23h00 Jean Pouységur, 36 ans, médecin capitaine des sapeurs pompiers, se rend gare du Nord où l'on vient de signaler des blessés par balles. Sa voiture est mitraillée rue de Dunkerque, il est mortellement atteint d'une balle dans la tête. Le caporal Chesne, qui l'accompagnait, demande de l'aide par téléphone. Le sergent Charrière part aussitôt avec une équipe de premier secours. Sur place l'équipage est violemment pris à partie par des soldats visiblement excités. Ils sont poussés contre un mur, les mains en l'air. Un capitaine allemand intervient, les pompiers peuvent récupérer le cadavre de Pouységur et le ramener à la caserne.

Merci à Amanda, la nièce de Jean Pouységur, qui a bien voulu nous communiquer un autoportrait de son oncle (visiter sa galerie, voir le tableau)

 

C'est le samedi 19 août que débute vraiment l'insurrection par la prise de la Préfecture de police. Lire : Les policiers dans la bataille et le Siège de la Préfecture de police).

Partout dans la capitale les FFI se découvrent enfin et n'hésitent pas à faire le coup de feu. Mais les soldats allemands ne leur reconnaissent pas la qualité de combattants et les considèrent comme des terroristes. Arrêtés, ils sont fusillés sans jugement

Ce 19 août on peut relever parmi les victimes de la garnison de la gare du Nord :

Henri Turlan, 40 ans
Roger Mathieu, 17 ans, sergent-chef des FFI
René Cauchy, 39 ans, de Bondy; son corps est transporté au poste de secours du 71 boulevard Magenta où il décède.
Albert Burié, 19 ans, de Bondy également; il sera transporté à l'hôpital Dubois.
Roger Gazel, 19 ans
Henri Basile, 32 ans, sergent des FFI
Maurice Miche, 44 ans
Jean Aubry, 22 ans, est abattu devant le 29 rue de Rocroy

Émile Bousseau, 36 ans, membre du MNPGD, est abattu d'une balle dans la nuque dans la cour des départs… (lire l'épisode)

 

Vers 15 h00, une douzaine de gardiens de la paix rentrant de la Préfecture de police sont interceptés boulevard Magenta et conduits à l'intérieur de la gare. En fin d'après midi ils sont emmenés au Mont Valérien où ils seront fusillés le lendemain, leur promet-on. Gaston Boudreault, 31 ans, gardien de la paix au commissariat de Saint-Denis, profite d'un ralentissement pour sauter du camion. Il est tué d'une rafale de mitraillette et son corps est abandonné sur place. Ses camarades seront échangés contre des prisonniers allemands le lendemain.

Louis Malezieux, 50 ans, ébéniste rue d'Avron et sous-lieutenant des FFI de Saint-Mandé, est en mission de liaison quand il tombe au beau milieu d'une fusillade entre Allemands et FFI boulevard Magenta. Mortellement touché il est transporté à la Maison municipale de Santé, 200 rue du Faubourg Saint-Denis.

René Dupont, 33 ans, gardien de la paix du commissariat du 10ème arrondissement, est tué vers 20h00, 63 boulevard Magenta, parce que trouvé porteur de son arme de service. Il avait participé toute l'après midi à la défense de la Mairie du 10ème.

René Travaillant, 47 ans, sous-brigadier du 8ème arrondissement, est arrêté au carrefour de la rue La Fayette et du boulevard Magenta. Sur lui aussi les Allemands trouvent une arme de service et le fusillent aussitôt.


Boulevard Magenta, un char en position


Place de Roubaix, un groupe de soldats

Le lendemain 20 août :

 

Le capitaine d'artillerie Jean Glarner, 30 ans, président de la délégation municipale de la ville de Saint-Ouen, est capturé au cours d'un combat aux docks de Saint-Ouen. Conduit gare du Nord, il y est fusillé. Trois jours plus tard, le capitaine Augustin et ses FFI captureront un convoi allemand sur le Pont de Saint-Ouen … aucun prisonnier. 18 cadavres seront jetés dans la Seine. Le capitaine Glarner a été vengé.

Roger Chollet, 20 ans, est mortellement blessé devant la gare; il décède au poste de secours de la rue d'Albouy.

Un groupe franc attaque un camion allemand rue La Fayette. Raymond Durand, 25 ans, est tué. Le gardien de la paix Roger Accard, blessé, est capturé.

Raymond Caudrillers, plus connu sous son nom d'acteur Aimos, est tué rue Louis Blanc (lire l'épisode)

 

Jean Nedellec, 36 ans, gardien de la paix au commissariat du 16ème arrondissement, est tué rue de Maubeuge quand son groupe franc, parti en mission de ravitaillement d'armes, est intercepté par une patrouille allemande.

André Robin, 31 ans, est abattu à l'angle du boulevard Magenta et de la rue Saint-Vincent de Paul.

André Dubois, 23 ans, élève gardien de la paix, est arrêté. Trouvé porteur de son arme de service il est aussitôt fusillé contre le mur de la gare. Son père, brigadier de police au commissariat des Lilas viendra le reconnaître à l'hôpital Dubois.


barricade rue de Maubeuge

Le 21 août  :

 

Le véhicule d'un groupe de FFI est mitraillé place de Roubaix et vient s'écraser contre la façade du 130 boulevard Magenta. Ses occupants sont achevés.

lire l'épisode

Auguste Salvat, 40 ans, inspecteur du commissariat du 4ème arrondissement, est arrêté vers 13h00  boulevard Magenta. Les soldats de la patrouille découvrent son arme de service et l'abattent d'une balle dans la tête.

Léon Le Tyran, 30 ans, diffuseur clandestin du journal L'Humanité, est arrêté et fusillé.

Le 22 août on peut relever le décès de Hortense Robillard née Aumon, 72 ans, victime d'une balle perdue devant le n°1 de la rue de Bellefond.

Le 24 août à 16h30 Victor Helingeinstein, 30 ans, sergent des FFI, est mortellement blessé au ventre. Du balcon d'un immeuble de la rue de Dunkerque il tirait à la mitrailleuse sur un groupe de soldats allemands. Il décèdera le 25 août à l'hôpital Bichat.

Toujours rue de Dunkerque, dans les couloirs de l'hôtel Diamond, Robert Feraud, 19 ans, FFI de Neuilly sur Seine, est atteint de deux balles alors qu'il pourchasse un milicien. Il décèdera le 2 septembre.

Vers 19h30, Claude Dupont, 36 ans, gardien de la paix du commissariat du 18ème arrondissement, est tué d'une rafale de mitraillette place de Roubaix alors qu'il tente de neutraliser des miliciens qui tirent sur la foule sur le boulevard Magenta.

Adolphe Pétrement, 50 ans, ancien combattant de 14/18 d'Aulnay sous Bois et employé des Assurances sociales, tombe rue Trudaine.

Le 25 août Marcel Breton, 24 ans, est tué à l'angle de la rue de Maubeuge et de la rue de Bellefond.