Les écrivains et la Libération de Paris


Ernst Jünger, 48 ans


Florence Gould, 49 ans


Robert Brasillach, 35 ans


Lucien Rebatet,41 ans


Henri Béraud, 58 ans

Début août 1944 le capitaine Ernst Jünger et le lieutenant Gerhard Heller saluent leurs amis écrivains et s'en vont. Paris se vide peu à peu de ses occupants, l'insurrection couve. Le capitaine d'état-major et le lieutenant chargé de la censure à la Propaganda Abteilung ont croisé pendant les quatre années d'occupation la fine fleur de l'intelligentsia française chez la richissime américaine Florence Gould qui  tenait dans son hôtel particulier de l'avenue Malakoff un salon littéraire réputé pour la haute qualité des ses échanges et de … sa table !

Certains écrivains français se sont ralliés à la "collaboration intellectuelle" de l'Europe nouvelle, les uns par idéologie, les autres par besoin. Quelques uns ont refusé et se sont abstenus d'écrire ou de s'exprimer. Certains enfin se sont engagés dans la Résistance. L'occupation se termine. L'heure des comptes va sonner.

Les Allemands sont entrés dans Paris en juin 1940 avec la liste des oeuvres à mettre au pilon en raison de leur caractère anti-allemand ou de la religion de leurs auteurs, la "Liste Otto". En ce début août 1944 le Conseil national des écrivains tient prête une "liste noire" d'auteurs coupables de collaboration et réclame un châtiment proportionnel à leur notoriété (*).

Le 2 août Ramon Fernandez décède d'une crise cardiaque. Certains diront qu'il a eu de la chance de mourir avant l'épuration. Le 15 août Pierre Drieu La Rochelle, totalement désabusé, tente une première fois de se suicider mais est sauvé in extremis. Il se cachera dans l'appartement de sa première femme dans le 7ème arrondissement et réussira à se donner la mort en mars 1945. Robert Brasillach, par principe, refuse de s'enfuir et se réfugie dans le 5ème arrondissement. Du haut de sa chambre de bonne de la rue Rataud il peut entendre les combats dans le quartier. Apprenant ensuite l'arrestation de sa mère, il se constitue prisonnier, est jugé, condamné à mort et fusillé le 6 février 1945.

Certains, sentant le vent tourner, ont préféré fuir dans les bagages de l'occupant tels Abel Bonnard et Lucien Rebatet. Ils se retrouveront à Sigmaringen. Louis-Ferdinand Céline, parti dès juin 1944, les y rejoindra et décrira la vie de ce dernier carré de pétainistes dans "D'un château à l'autre".

Henri Béraud, Sacha Guitry, Georges Suarez et Paul Chack sont arrêtés aux premiers jours de l'insurrection et connaîtront le Vel' d'Hiv et le camp de Drancy de sinistre mémoire. Les Parisiens les attendent à la sortie des camions pour leur cracher dessus. Béraud sera condamné à mort et gracié; Chack et Suarez seront fusillés; Guitry, contre qui rien ne sera retenu, en concevra beaucoup d'amertume.


Sacha Guitry, 54 ans


Georges Suarez, 54 ans


Ramon Fernandez, 50 ans


Gerhard Heller, 35 ans


P. Drieu La Rochelle, 51 ans


Abel Bonnard, 61 ans


L-F Céline, 50 ans


Paul Chack, 68 ans

 

 


Paul Léautaud, 72 ans


Simone de Beauvoir, 36 ans


Paul Eluard, 49 ans


Jean Cocteau, 55 ans


Edith Thomas, 35 ans

 

 

 

Paul Léautaud, Jean Guehenno et Jean Galtier-Boissière tiennent scrupuleusement un journal qu'ils feront paraître la paix revenue. L'atmosphère au jour le jour de la libération de Paris y sera particulièrement bien décrite.

Simone de Beauvoir et Jean-Paul Sartre, de retour de la campagne, sont descendus par mesure de prudence dans un hôtel situé à dix mètres de celui qu'ils fréquentent habituellement et commandent des cocktails différents à la terrasse du Flore de crainte d'être reconnus.

Jean Paulhan, Claude Morgan et Paul Eluard distribuent au grand jour les Lettres françaises.

Albert Camus signe les premiers articles de Combat.

Marguerite Duras fait arrêter Charles Delval, l'agent de la Gestapo dont elle est devenue la maîtresse dans l'espoir de faire libérer son mari Robert Antelme en instance de déportation.

Jean Genet pleure son amant Jean-Louis Décarnin tué sur une barricade près de la prison de la Roquette.

Le capitaine de vaisseau et écrivain maritime Maurice Guierre perd son fils, Jacques, place de l'Odéon.

La romancière et historienne Edith Thomas couvre les combats comme journaliste.

Le correspondant de guerre Ernest Hemingway accompagne l'avance des troupes américaines, s'autoproclame "général des FFI" et court libérer le bar de l'hôtel Ritz.

Le "Fifi" du 13ème Alphonse Boudard fait le coup de feu place Saint-André des Arts.

Jean Dutourd s'empare des locaux de Paris-Soir, 37 rue Louvre et se battra aux Tuileries le 25 août.

Jean Cocteau se tient au balcon de l'hôtel Crillon pour voir le général de Gaulle le 26 août. Une balle cisaille sa cigarette, on l'a pris pour un tireur des toits.


Albert Camus, 31 ans


Jean Genet, 34 ans


Alphonse Boudard, 19 ans


Ernest Hemingway, 45 ans


Dans leurs ouvrages ils ont décrit la Libération de Paris :

Alphonse Boudard : Les combattants du petit bonheur
Paul Léautaud : Journal littéraire
Jean Guéhenno : Journal des années noires
Jean Galtier-Boissière : Mon journal pendant l'occupation
Jean-Paul Sartre : Un promeneur dans Paris insurgé (Journal Combat)
Jean Genet : Pompes funèbres
Jean Dutourd : Le demi-solde
Sacha Guitry : 60 jours de prison
Claude Roy : Les yeux ouverts dans Paris insurgé
Edith Thomas : La libération de Paris


(*) Morgan, Vercors, Benda, Eluard et Aragon demandent des sanctions exemplaires. Paulhan, Mauriac et Camus les jugeant trop durs prennent leurs distances. Malraux, qui se bat, ne se croit pas autorisé à juger ses pairs. Jean-Paul Sartre, qui a fait jouer sur les scènes parisiennes "Les mouches" en 1943 et "Huis clos" en 1944, fait partie d'un comité d'épuration. Sacha Guitry, qui a mis en scène pendant l'occupation "Le fabuleux destin de Désirée Clary" et "Donne-moi tes yeux" dort en prison… Et Paul Claudel, auteur d'une ode au maréchal Pétain en mai 1941: "France, écoute ce vieil homme sur toi qui se penche et qui te parle comme un père…" s'apprête à faire réciter en octobre 1944 un poème intitulé Au général de Gaulle : "Et vous, monsieur le général, [dit la France], qui êtes mon fils et vous qui êtes mon sang, et vous monsieur le soldat…"


Jean Guehenno, 54 ans


Jean-Paul Sartre, 39 ans


Jean Paulhan, 60 ans


Marguerite Duras, 30 ans


Jean Dutourd, 24 ans