La Libération de Paris, le scoop qu’il ne fallait pas rater !

Dans les bagages de l’Armée américaine qui pénétra dans la capitale le 25 août 1944, on put compter de nombreux correspondants de guerre : des civils, des militaires, des journalistes, des photographes, des écrivains, des cameramen, etc.  Le « War correspondent » et le « War photographer », des civils, ont été envoyés par leur journal pour suivre les opérations. Leur production transite bien évidemment par le bureau de censure avant d’être expédiée aux Etats-Unis et publiée auprès du grand public. Le correspondant et/ou photographe de l’US Army est rattaché à une « Signal photographic unit » d’un « Signal Corps ». Il a pour mission de filmer et de photographier la guerre pour le compte de l’Armée américaine. Quelques unes de ses productions, passées également par le bureau de censure, peuvent être publiées dans des magazines civils.

Tous ont signé un engagement de confidentialité. Le contrevenant peut être poursuivi par un tribunal militaire pour espionnage ou divulgation de secret. Certains perdront la vie en suivant les combats d’au plus près. Voici quelques portraits de ces hommes et de ces femmes qui se sont retrouvés à Paris en août 1944 :

Le photographe Endre Friedmann dit Robert Capa, 31 ans, a couvert la Guerre d’Espagne aux côtés des troupes républicaines en 1936. En 1938 il photographie pour le magazine Life la Seconde guerre Sino-japonaise. En 1942 il est en Afrique du Nord, en 1943 en Sicile. Le 6 juin 1944 il débarque avec la première vague d’assaut sur la plage d’Omaha-Beach en Normandie et prend 119 photos. Malheureusement un laborantin de Life commet une erreur au développement et seules 11 un peu floues seront sauvées. Le 18 août 1944 il immortalise la Tondue de Chartres coupable d’avoir eu un enfant avec un soldat allemand. Croisant Ernest Hemingway dans la région de Rambouillet, il fait le pari d’entrer le premier dans la capitale. Le 25 août 1944 il réalise de nombreux clichés au plus près des combats. Après avoir participé à la création de l’agence Magnum en 1947, il repart avec son appareil en Israël en 1948 et en 1954 en Indochine en où il meurt le 25 mai en sautant sur une mine.

Guerre d'Espagne D Day Chartres Rambouillet Paris rue de Bourgogne

 

L’écrivain et journaliste Ernest Hemingway, 45 ans, a été grièvement blessé à son poste d’ambulancier dans les rangs de la Croix-Rouge italienne pendant la Première Guerre mondiale. Correspondant de plusieurs journaux américains à Paris dans les années 1920,  il part en Espagne couvrir la Guerre civile aux côtés des Républicains en 1936. Le 6 juin 1944 il accompagne les GI’s qui traversent la Manche mais les responsables militaires lui interdisent de débarquer, le considérant comme une cargaison précieuse. Qu’à cela ne tienne ! Rattaché au profit du journal Collier’s à la 4ème DI qui se dirige vers Paris, « Papa » Hemingway se promet d’être le premier correspondant de guerre américain à pénétrer dans la capitale et de libérer le bar du célèbre hôtel Ritz qu’il a si souvent fréquenté pendant ses années parisiennes. A Rambouillet il installe son quartier général à l’hôtel du Grand-Veneur, prend la tête d’un petit groupe de FFI mal armés et sollicite du général Leclerc commandant la 2ème DB la mise à disposition d’un blindé et de deux jeeps pour réaliser son projet. Leclerc le traite de clown et refuse sa demande ; la  section Hemingway entre dans Paris le 25 août et s’attable au bar du Ritz fraîchement libéré de ses occupants allemands. Le général Hemingway devra s’expliquer devant un tribunal militaire car il a outrepassé ses fonctions de correspondant de guerre mais le bar de l’hôtel conservera son souvenir.

Rambouillet Rambouillet Champs-Elysées Bar du Ritz

 

Mais dans la capitale fraîchement libérée deux correspondantes de guerre se disputent Hemingway. La journaliste et nouvelliste Martha Gellhorn (à gauche), son épouse âgée de 36 ans, qui a couvert le débarquement sur un navire hôpital ramenant les blessés et les morts en Angleterre. Ils se sont rencontrés pendant la guerre d’Espagne pour le compte du journal Collier’s et ont été envoyés ensemble en Chine en 1941. La journaliste Mary Welsh (à droite), 36 ans, a été envoyée en Europe par le Time’s puis a obtenu un poste au London Daily Express pour le compte duquel elle suit les conférences de presse de Winston Churchill pendant la durée de la guerre. Elle a rencontré Hemingway à Londres au printemps 1944. Ils se retrouvent en cachette au Ritz fin août. Martha sera l’une des premières journalistes à décrire la libération du camp de concentration de Dachau. Elle divorcera en 1945, Ernest épousera Mary en 1946.

 

L’écrivain Irwin Shaw, 31 ans, couvre la guerre en Afrique du Nord en 1942 pour le compte du magazine Yank, the Army weekly dont l’immense succès auprès des soldats américains tient aussi à la présence d’une pin-up dans chaque numéro. Pendant la bataille de Normandie, rattaché à l’équipe Signal Corps du cinéaste George Stevens, il participe à la libération du Mont Saint-Michel et se retrouve à Paris le 25 août 1944 où il se fait photographier devant un char de la 2ème DB sur la place de la Concorde. Sa nouvelle « The young lions », tirée de ses souvenirs militaires, sera adaptée au cinéma sous le titre « Le bal des maudits ».

Yank Paris place de la Concorde

 

La photographe Lee Miller, 37 ans, ancienne muse de Man Ray dans le Paris des années 30, a été envoyée en Europe pour le compte du magazine Vogue.  Après la bataille de Normandie elle retrouve dans la capitale récemment libérée ses amis surréalistes et rend visite à Picasso. Elle suivra l’Armée américaine jusqu’en Roumanie. Ses photographies de Buchenwald et de Dachau révéleront au monde l’horreur concrète des camps de concentration. Son collègue David S. Sherman l’immortalisera prenant un bain dans la baignoire personnelle d’Hitler à Munich.

Normandie Vogue avec Picasso dans la baignoire d'Hitler

 

Ces photographes de Life sont moins connus mais leurs célèbres clichés ont fait le tour du monde. De gauche à droite : Franck Scherschel, Bob Landry, David Scherman et Ralph Morse.

Franck Scherschel Bob Landry David Scherman Ralph Morse

 

L’illustrateur du magazine Life, Floyd Davis, envoyé à Paris avec son épouse la journaliste Gladys Rockmore, caricatura ses confrères attablés au bar de l’hôtel Scribe qui entre deux missions se réunissaient pour refaire la guerre, se raconter leurs aventures et surtout râler contre cette satanée censure qui les empêchait de faire correctement leur métier. 

 

Au premier plan de profil Ernest Hemingway, en haut en droite et portant un casque Robert Capa