18 août 1944, une explosion retentit avenue Paul-Doumer à Rueil-Malmaison. Un homme a lancé une grenade dans l’enceinte de la caserne Guynemer, cantonnement des Allemands depuis juin 1940. On relève neuf morts parmi les soldats. Les Rueillois sont les premiers surpris. Si la commune a cruellement souffert lors de l’invasion allemande de 1870, elle a été relativement épargnée depuis quatre ans. Les officiers supérieurs logent dans la propriété Vermont appartenant au philanthrope américain Edward Tuck, ou au château de la Jonchère qui a reçu d’illustres visiteurs tels que le Prince Eugène, Napoléon 1er ou encore Napoléon III. La troupe ne fréquente pas le centre ville. Peut-être assure-t-elle à l’occasion la garde du Mont-Valérien ?
Le 23 juin 1943 la caserne Guynemer avait déjà été attaquée par un commando FTP/MOI aux ordres de Rino Della Negra, 20 ans, ouvrier d’usine, excellent footballeur du Red Star Olympique et membre du 3ème Détachement italien des FTP de Missak Manouchian. Arrêté le 12 novembre 1943, il sera fusillé le 21 février 1944 justement au Mont-Valérien.
Rino Della Negra et Missak Manouchian (photos Wikipédia)
Depuis le débarquement les FFI sortent de l’ombre et les Allemands sont nerveux. Le 27 juin 1944 un soldat est abattu rue Charles-Floquet. Une patrouille investit le centre ville et fouille des spectateurs à la sortie d’un cinéma. M. Morin se rebiffe, il est mitraillé et décèdera dans la nuit à l’hôpital.
En ce mois d’août 1944 les Allemands sont sur le départ mais bien décidés à ne pas laisser ce troisième attentat impuni. Le lendemain 19 août, alors que le Comité local de libération prend possession de la Mairie, un convoi de cinq ou six camions surgit avenue Paul-Doumer. Les passants qui ne se doutent de rien déambulent tranquillement. Des soldats sautent à terre et ouvrent le feu. Sous la menace des mitraillettes les hommes sont regroupés et dirigés vers la Poste. Ils peuvent découvrir deux cadavres rue Noblet dont celui de Bertrand Crozatier, qui gît la mâchoire fracassée. Un Allemand achève un blessé qui respire encore. Une grenade est lancée sur la vitrine du restaurant Goudard. Marcel Rozier et Louis Fabreguettes tentent de s’enfuir. Un officier tire. Fabreguettes est tué sur le coup tandis que Rozier fait le mort. Il sera pris en charge plus tard par la Croix-Rouge. Les soldats remontent dans leurs camions et quittent les lieux. On relèvera huit morts et onze blessés. Ce même jour on signale l’incendie des Docks et de l’Arsenal. La même troupe ?
La population est stupéfaite de la réaction sanglante des Allemands mais le lendemain, malgré le danger, nombreux sont les Rueillois qui se rendent au marché du dimanche. Il faut bien se ravitailler. Les Allemands rôdent. Paul Corgnet a commis l’imprudence d’arborer son brassard FFI. Il est repéré et abattu d’une rafale de mitraillette. La fusillade se répand dans le quartier. Aristide Gallais et Eugène Hebert tombent. Puis comme hier le calme revient. Les secouristes ramassent les morts et les blessés.
Les représailles ne sont pas finies. Comme dans beaucoup de villes de banlieue les Allemands n'entendent pas laisser le champ libre aux FFI. Le lundi 21 août vers 15h00 un détachement investit la Mairie et se livre au saccage. Les membres du Comité local sont alignés contre un mur. Un officier intervient et donne des ordres. Ils ne seront pas fusillés. Mais avant de partir des soldats lâchent quelques rafales de mitraillettes. Pierre Leblond s’écroule mortellement atteint. Il y a également cinq blessés. Mardi 22 août le cauchemar s’achève. Les Allemands quittent la ville mais font une dernière victime, Lucien Moisan qui regardait les camions s’éloigner. Mercredi 23 août les FFI pénètrent dans le château de la Jonchère abandonné par ses occupants et récupèrent des armes. Fin août le commandant Schweitzer, alias Lefèvre, constitue le Bataillon Marianne fort d’un millier d’hommes qui participera à la bataille d’Alsace en janvier 1945 au sein du 24ème Régiment d’infanterie de la 10ème DI.
Les victimes : Gustave Beaupel, 43 ans ; Paul Corgnet, 24 ans ; Bertrand Crozatier, 45 ans ; Louis Fabreguettes ; Aristide Gallais, 48 ans ; Eugène Hebert, 48 ans ; Roger Laurent, 35 ans ; Pierre Leblond ; Robert Lestienne, 52 ans ; Jacques Marchais, 20 ans ; Lucien Moisan ; Jules Poncin, 50 ans ; René Serre, 18 ans, et Eugène Toulouse, 58 ans.
Gustave Beaupel et Jacques Marchais (photos Mémorial Genweb)
En savoir plus sur le Bataillon Marianne : Musée de la Résistance en ligne