Suzanne – L’abbé Lepinay fait évacuer l’église

Mardi 15 août 1944 …. nous sentions que la libération était proche et nous avions passé notre après midi à confectionner des guirlandes tricolores en vue de pavoiser nos maisons. Vers 17h00 nous sommes allés à l'Eglise Sainte-Marguerite pour assister aux vêpres comme il était de coutume le jour de l'Assomption. Durant la cérémonie le bouche à oreille nous apprend qu'un "Boche" a été tué au carrefour des Rigollots, à trois cents mètres de là.

 

"Un incident grave vient de se produire aux Rigollots. Rentrez chez vous rapidement en évitant le secteur !" nous déclare l'abbé Lepinay en nous invitant à sortir. Je récupère mon fils Michel, 7 ans, enfant de choeur et regagne avec lui la boulangerie familiale, 101 avenue de la République. Des passants se sont joints à nous. Je les fais entrer vivement à la maison et emprunter notre jardin qui donne, derrière, sur une rue plus calme.     

Un témoignage concordant, relevé dans "Les années de plomb" de René Maurice, indique que le soldat allemand a été retrouvé égorgé. Le carrefour des Rigollots sépare Fontenay de Vincennes derrière la gare aux marchandises; on peut supposer que c'est la garnison allemande du Fort de Vincennes qui va intervenir sur la commune de Fontenay.

Une traction-avant stoppe brusquement à deux pas de notre boulangerie. Des Feldgendarmes fous furieux en sortent. Je les vois encore, genou à terre, tirer sur l'un de nos jeunes voisins nommé Chareilles … je ne me souviens plus de son prénom. C'est le jour de ses vingt ans, il revient d'une promenade en famille. Echappant de peu à la salve qui s'écrase contre le mur, il se précipite chez lui, les Allemands sur ses talons. "Laissez-le ! Emmenez-moi à sa place !" crie Monsieur Chareilles, mais les militaires ne veulent rien savoir et embarquent le jeune homme pour le Fort de Nogent. Il rentrera dans la soirée après avoir été copieusement passé à tabac. En dehors de notre petit voisin, les occupants surexcités par les évènements ont raflé tous les jeunes qu'ils ont rencontrés dans le quartier. C'était, paraît-il, un jeune qui avait tué l'Allemand. Je crois qu'ils ont tous été libérés dans la nuit (*). Nous avons appris par la suite que l'Allemand abattu était un soldat âgé, sans doute un vétéran de la guerre de 14, bien connu dans Fontenay sous Bois où il gardait un dépôt. Nous avons dû attendre le 25 août pour être définitivement libérés. Cet évènement s'est passé il y a maintenant 60 ans mais il reste encore bien vivace dans ma mémoire. (Mémoires : Famille Pierre Pommereau)

(*) Ils n'ont pas tous été libérés. Georges Vermersch, trouvé porteur d'un brassard FFI dans la rue Diderot est emmené par les Allemands; personne ne l'a revu. D'autre part Maurice Aubry fait état, dans son ouvrage, d'un jeune homme tombé avenue de la République, secouru par une riveraine mais décédé de ses blessures dans la nuit.

La libération de Fontenay-sous-Bois sera particulièrement meurtrière. De violents combats se dérouleront aux abords du fort de Nogent et sur la route 42. La municipalité relèvera vingt-cinq morts, tombés la plupart le 25 août. Des FFI de Montreuil viendront prêter main forte. Les équipes du capitaine Fontaine iront se battre au parc Montreau. Les Allemands battus dans la capitale tentent de s'accrocher dans leurs bastions de l'Est parisien en attendant les renforts qui doivent arriver pour rétablir la situation.

 

Les quatre hommes ont été contraints de déblayer une barricade qui gênait le passage sous le pont de chemin de fer. Les soldats allemands les ont abattus une fois le travail accompli.

boulevard de Verdun

 

Fort de Nogent


Le moine franciscain Lucien Aubry était secouriste de la Croix-Rouge. Il a été mortellement blessé à l'artère fémorale par une balle explosive alors qu'il donnait ses premiers soins à un soldat allemand blessé sur la route 42 (actuellement rue du Maréchal Joffre)     

Trois autres victimes sur la route 42 et cérémonie d'inhumation organisée après la libération

l'arrivée des Américains