M’sieur l’agent !

De mémoire de pavé parisien il faut remonter au 26 août 1944 pour trouver une foule aussi nombreuse dans les rues de la capitale. Ce n’était pas entre la place de la République et celle de la Nation comme ce 11 janvier 2015, mais cela se déroulait entre l’Arc de Triomphe en haut des Champs-Elysées et la cathédrale Notre-Dame en passant par la place de la Concorde et la rue de Rivoli. Paris était libéré et acclamait le général de Gaulle, le libérateur de la France. Plus d’un million de personnes se seraient massées sur le parcours. 

Ce dimanche 11 janvier 2015 entre 1 300 000 et 1 500 000 « manifestants » ont participé à la Marche républicaine organisée en réponse aux attentats terroristes qui ont endeuillé le pays. La Préfecture de police et les organisateurs ont estimé tout comptage impossible. Pour une fois tout le monde était d’accord. Du jamais vu depuis la libération a-t-on entendu sur toutes les chaines de télévision. 

Et ces mêmes pavés parisiens ont eu l’immense surprise d’entendre la foule ovationner les forces de l’ordre. « Vivent les flics ! », applaudissements, saluts et même embrassades. Et pas que de la part de personnes d’un certain âge. Les jeunes aussi y allaient de leurs vivats. Situation relativement embarrassante pour ces policiers et gendarmes plus habitués à d’autres réactions sur leur passage lors des manifestations parisiennes.

Et là aussi il faut remonter à la Libération de Paris pour trouver un tel élan de sympathie et de reconnaissance envers des gardiens de la paix.

Leur rôle pendant l’occupation ne plaidait pas en faveur de leur patriotisme. L’ordre de laisser leur uniforme au vestiaire dès le début de l’insurrection pour échapper aux représailles allemandes les rendit invisibles sur les barricades. Les voir réapparaître en tenue le 25 août les fit passer pour des résistants de la dernière heure. Et pourtant 177 policiers de la Préfecture ont été tués au cours des combats et plus de 500 ont été blessés.

Le Conseil national de la résistance leur rendit d’ailleurs très vite un hommage vibrant en espérant que les Parisiens et les Gardiens de l’ordre républicain se réconcilieraient.

Pour l’historien spécialiste de la police Jean-Marc Berlière ce soutien manifesté aux forces de l’ordre est exceptionnel. La police politique de Fouché, la police de Vichy sous l’occupation, la répression des manifestations comme à Sivens récemment… Et aujourd’hui une France qui se rend compte que les gardiens de la paix n’ont jamais aussi bien porté leur nom. Cet état de grâce durera-t-il ? (Le Parisien du 14 janvier 2015).