L’Unijambiste de la Préfecture de police

Doisneau a immortalisé le personnage que l'on voit ici devant un canon pris à l'ennemi par les F.F.I de la barricade du "Carrefour de la Mort" et tiré dans la cour de la Préfecture de Police pour en assurer la défense. Cette fameuse barricade était érigée à l'angle des boulevards Saint-Germain et Saint-Michel et empêcha, pendant toute l'insurrection, la garnison du Sénat équipée de chars lourds de venir tâter les défenses de la caserne de la Cité de trop près. Sur le canon on distingue difficilement deux noms : Ternard et Boisson. Cela nous permet de dater la photographie après le 21 août.

En effet le gardien de la paix Raymond Boisson, 29 ans, a été tué le 20 août 1944 place Saint-André-des-Arts au cours d'un affrontement avec les occupants d'un autocar allemand devant la brasserie Alsacienne.

tandis que le gardien de la paix Marcel Ternard, 24 ans, a été mortellement atteint le 21 août à 15h00 en tentant une sortie, quai du Marché-Neuf, pour une mission de ravitaillement.

Nous voici maintenant sur le boulevard du Palais, à l'entrée de l'hôtel préfectoral devant le numéro 7. Notre unijambiste est en position de tir derrière des sacs de sable de la Défense passive. Dans sa ligne de mire le Pont au Change et la place du Châtelet.

Le gardien de la paix Francis Maurizot, 33 ans, est tombé à cet endroit le premier jour de l'insurrection.

Doisneau lui fait traverser la Seine et prendre la pose devant le Fortin de la Huchette tenu par la boulangère Béatrice Briant  à l'angle de la rue de la Huchette et de la rue du Petit-Pont.

Jean Dussarps et deux F.F.I non identifiés sont morts ici pendant l'insurrection.

Notre héros s'appelle Eugène Brahms raconte René Dunan dans son livre "Ceux de Paris août 1944"; né à Grémoy (62) il est cordonnier 19 rue Lacépède dans le 5ème arrondissement et a perdu sa jambe accidentellement il y a quelques années. Il s'est fait une spécialité depuis le débarquement du 6 juin : avec quelques camarades il jette sur les routes de la région parisienne des planches hérissées de pointes … malheur au convoi allemand qui vient déchirer ses pneus sur ces barrages improvisés ! Le 19 août il décide d'aller donner un coup de main aux défenseurs de la Préfecture de Police… mais il n'a pas d'arme ! Qu'à cela ne tienne ! Une ambulance allemande se dirige à très faible allure vers l'Hôtel Dieu, le canon d'un Mauser dépasse de la portière … il bondit … s'en saisit … et roule à terre… la voiture continue sa route … Brahms est maintenant armé.

Dans sa jeunesse il a été champion de tir :  à son tableau de chasse pendant les combats de l'insurrection : onze soldats allemands et un milicien prisonnier qui tentait de s'échapper. 

En fait son véritable nom est Arthur Brasme et il sera cité à l'ordre de la Division le 25 janvier 1945 par le général Koenig, gouverneur militaire de Paris : Brasme Athur, combattant magnifique. Bien qu'amputé de la jambe droite, a participé à toutes les actions de combat pour la défense de la Préfecture de police. Au cours des journées du 20 au 25 août 1944 a constamment fait preuve d'un mépris total du danger et d'un courage extraordinaire. A abattu de nombreux Allemands et mis hors de combat plusieurs véhicules. Par son action personnelle et par son exemple a puissamment contribué à la Libération de Paris.