Les souvenirs de guerre de Michel

Michel Pommereau a sept ans en août 1944. Son père est prisonnier au stalag VI D de Hagen en Westphalie, sa mère Suzanne tient la boulangerie familiale 101, avenue de la République à Fontenay-sous-Bois. Les lettres et les colis sont rares et censurés, mais Pierre a réussi à faire parvenir à son fils un jouet pour Noël 1943. Michel le conserve précieusement encore aujourd’hui. Nous avons pu lire dans un article précédent les souvenirs de Suzanne Pommereau sur cette fameuse journée du 15 août 1944 quand les Allemands, voulant venger un soldat égorgé au carrefour des Rigollots entre Vincennes et Fontenay-sous-Bois, opèrent une rafle dans l’avenue de la République. Aujourd’hui Michel nous livre les siens, ceux d’un enfant curieux, observateur et ignorant du danger.

 

Dans la nuit du 18 au 19 avril 1944 la gare de triage de Noisy-le-Sec, très important centre ferroviaire de l’Est parisien, est bombardée par la Royal Air Force. La BBC a bien lancé le message d’avertissement « Les haricots verts sont secs », mais par manque de précision les 180 avions déversent 3 000 bombes en une demi-heure sur la ville. Les dégâts sont terribles, on relèvera 464 morts et 370 blessés ; 2 000 habitations ont été détruites. La boulangerie familiale, pourtant distante de quatre à cinq kilomètres, a tremblé sur ses assises. La porte qui mène à l’étage est coincée.

 

Le 22 juin Michel assiste de la fenêtre qui donne sur le Bois de Vincennes à un étrange ballet. Des bombardiers alliés survolent la région. Ils sont entourés de flocons noirs, les tirs de la Flak allemande. Soudain un appareil est touché. Il quitte la formation et semble se diriger vers la maison. Suzanne crie et serre Michel dans ses bras. Trois petits points se détachent de la carlingue. Une partie de l’équipage a pu sauter ? Une aile se détache. Elle virevolte. L’avion va s’écraser à Joinville.

 

La mission des B 17 du 96ème Bomber Group du 413ème escadron de la 8ème Air Force était Gennevilliers. Ils ont décollé de Norfolk en Angleterre et l’avion a été touché à 19h24. Neuf membres de l’équipage sont tués, le sergent Joseph Duch a été capturé près de Maisons-Alfort et envoyé au stalag 4 de Gross-Tychow. Parmi les victimes le sergent sino-américain Lee Wong Gem, 24 ans, demeurant à Chicago, et le sergent Carl Edwin Carlson. Découvrir la liste de l'équipage et d'autres détails sur le site France Crashes 39-45.

Le 15 août 1944 Michel se tient dans la boulangerie quand la traction avant allemande stoppe devant la vitrine. Un Feldgendarme en sort précipitamment, met un genou à terre et ouvre le feu sur les gens qui rentrent chez eux. Tout cela en un éclair ! Le garçon est immédiatement mis à l’abri dans l’arrière boutique mais il conservera dans sa mémoire la vision du casque, de l’imperméable et de la plaque « Feldgendarmerie » au bout d’une chaîne sur la poitrine du soldat (Lire l'épisode).

Le 25 août 1944, toujours de la fenêtre du premier étage Michel regarde avec intérêt les ambulances ornées de grands drapeaux Croix-Rouge aux portières dévaler l’avenue de la République. Elles transportent les blessés et les tués des combats qui se déroulent autour du cimetière.

Autre souvenir, mais non daté, le passage d’une vingtaine de chasseurs alliés en file indienne et à basse altitude ; certains ont le cockpit ouvert, les pilotes font des signes amicaux. Ce devait être juste avant la libération.  Et un rappel « cuisant » : Une énième alerte aérienne, tout le monde reste à la maison ou se rend aux abris, les vagues d’avions survolent Fontenay-sous-Bois, Michel se tient dans la boulangerie. La Flak allemande tire. N’écoutant que son courage ou son inconscience il désobéit, sort de la boutique et se précipite pour ramasser un bout de ferraille luisant tombé dans la rue. Aïe ! C’est brûlant ! Il s’agit d’un éclat d’obus. Mais le grand-père Ferdinand l’attend de pied ferme et lui administre une volée de coups de casquette qu’il assortit d’une menace de « toise » si jamais l’idée de recommencer le reprenait. 

Je vous invite vivement à découvrir la Saga familiale tenue par Jean-Claude Pommereau, le frère de Michel.