Les combats dans l’Est parisien

Enregistrements des communications téléphoniques reçues à la Préfecture de police le 25 août 1944 :

9h25 : De Saint-Maur. Signale mouvements de troupes à Bonneuil. 2000 Allemands environ au Parc de Bonneuil; des pièces anti-chars, des autos-mitrailleuses, des blindés braqués sur Choisy.

10h05 : Saint-Maur : Des troupes allemandes venant de Bonneuil traversent Saint-Maur et se dirigent vers Champigny.

10h15 : De Charenton : Un convoi allemand, 20 voitures venant de Maisons-Alfort, se dirige vers Joinville par la route de Saint-Mandé.

11h00 : De Nogent : Deux chars allemands ont traversé le Pont de Nogent et se sont dirigés vers la Maltorunée RN35; ils ont tiré sur les barrages.

11h30 : De Charenton : Signale une colonne allemande devant le Champ de courses du Trembaly; se dirige sur Nogent. 2000 à 2500 Allemands auraient pris position sur divers points de la banlieue Est de Paris, notamment à Saint-Maur et Bonneuil, Carrefour Pompadour. Un char américain se trouve à Ivry, la population lui a signalé cette manoeuvre allemande. Le char a passé un message à l'aviation qui va entrer en action.

15h15 : De Vincennes : Le Fort de Rosny attaqué par 200 Allemands, occupé par FFI et gendarmes en petit nombre. Demande renforts d'urgence.

15h40 : De Charenton : Le commissariat de Fontenay est attaqué par des Allemands.

20h20 : Groupement de résistance de la Mairie de Rosny par PTT : Forces allemandes au Fort de Rosny. Entre le Parc Montereau et la rue de Paris en longeant la rue Ursule Fleur le long du Fort. Les Allemands sont en train de miner la route stratégique le long du Fort et le long des buttes du Fort. Effectifs : 250 hommes environ. Deux ou trois chars, deux pièces anti-chars, le reste de l'infanterie. Se mettre en rapport avec la Mairie de Montreuil pour les prendre à revers; attaquer par la route de Paris


le viaduc de Nogent



la barricade du Pont Chapsal à Joinville


Pont de chemin de fer à Fontenay sous Bois, les 4 otages ont été fusillés

On le voit, les Allemands n'entendent pas lâcher prise aussi vite. Mais de quelles troupes s'agit-il ? La garnison parisienne du général Von Choltitz s'est retranchée au Sénat, à l'Assemblée nationale, à la Caserne de la République, à l'Ecole militaire, au Ministère de la Marine; l'état-major du Militärbefehlshaber in Frankreich (le Haut commandement militaire en France) attend derrière les blockhaus de l'Hôtel Majestic; les hommes de la Kommandantur de Paris sont Place de l'Opéra.

Les troupes du général Leclerc, aidées par les FFI, vont donner l'assaut final.

Il s'agit donc vraisemblablement de troupes allemandes qui ont traversé Paris (c'était le but du maintien de la garnison de Von Choltitz sur place) en provenance du Front de Normandie et qui se dirigeaient vers l'Est.

Le général Leclerc a l'ordre de rester dans Paris. Le 26 août il assurera, avec ses hommes, le défilé triomphal du général de Gaulle puis enverra des groupements vers le Nord où une contre-attaque se dessine (lire l'épisode des combats du Bourget).

Les Américains sont entrés par la Porte d'Italie et font mouvement vers la banlieue Est.


Ce sont les FFI de l'Est parisien qui vont affronter le retour des troupes allemandes à la Maltournée, au Pont de Joinville, à Champigny sur Marne…

A 19h00, Nogent demande à nouveau des renforts pour le Pont de Joinville. A 20h55 on apprend que les pompiers du centre de secours de Nogent sont encerclés à la hauteur du 152, boulevard Alsace Lorraine. A 21h25 les FFI demandent encore des renforts pour les aider sur le Pont de Joinville.

A 22h15 le commandant Brousse, chef des FFI de Vincennes, Nogent, Le Perreux, Joinville et Fontenay sous Bois, communique que les Allemands ne tiennent nullement compte des accords de reddition signés par le général Von Choltitz. La situation est devenue intenable pour les défenseurs des barricades car ils tirent sans pitié. Les FFI manquent de munitions. Des renforts sont demandés. A 22h35 on signale une centaine de FFI encerclés dans le cimetière du Perreux…


La bataille pour le Pont de Joinville coûtera la vie à :

 

Georges Arkangeisky, 44 ans

Gaston Belny, 40 ans
Henri Blachier, 19 ans Eugène Bonnard, 27 ans


Marie Chevrier, 23 ans


Marcel Fournier, 42 ans, brancardier des Equipes d'urgence

Juliette Josselin Demarcy, 60 ans

Pierre Metz, 69 ans

Roland Nezelof, 21 ans, du 3ème bataillon FFI Lorraine

Emile Pilz, 61 ans

Georges Tabouret, 61 ans

Jean Dewilde, 23 ans, tué quai Beaubourg
Roland Martin, 18 ans, tué avenue Galliéni Alexandre Buchou, 44 ans, gardien de la paix de Nogent sur Marne

Pierre Demont, 20 ans, il tentait de traverser la Marne à la nage pour aller chercher des munitions


Jules Charon, dit Siki, 71 ans, abattu près du square Palissy

Joseph Belbéoch, 49 ans, vétéran de 14/18, sous-lieutenant des FFI

"Ton père est mort en héros. Les Allemands étaient peu nombreux, mais bien armés. Leur unité mobile disposait de mitrailleuses et de canons légers, leur camion était bourré d'explosifs qu'ils comptaient placer sous le pont pour le détruire. Ce sont les renforts FTP qui les ont poussés à décrocher et à fuir. Ton père avait pris la tête du groupe, il a avancé jusqu'à l'entrée du pont, au passage de la nationale, rue Jean-Mermoz. Des tireurs étaient en embuscade et il a reçu une balle au moment où il s'est redressé pour enjamber le parapet. La balle est entrée par le front et lui a traversé le crâne…"

C'est ainsi que Robert Deloche, chef de secteur FFI et futur maire de Joinville, relate à Roger la mort de son père.

(Roger Belbéoch : Je n'ai fait que mon devoir)

Emile Dupuis, 34 ans, tué rue de Verdun

La population civile a prêté main forte aux FFI : ravitaillement, munitions … Ce qui explique l'âge avancé de certaines victimes.

Les Allemands n'ont pas réussi à traverser la Marne.



le monument à la gloire des FFI de Nogent

A Nogent sur Marne, Georges Audinet, 45 ans, gardien de la paix, et Raymond Josserand, 23 ans, géomètre, ont mis en batterie une mitrailleuse rue Thiers prolongée et tirent sur un groupe de soldats allemands retranchés au rond-point des Maréchaux; ils sont abattus par un tireur embusqué dans un arbre.

Charles Danet, 61 ans, commet l'imprudence de sortir de sa maison en pleine bataille, il est tué d'une balle perdue.

Jean Maloberti, connu sous le pseudonyme de Jean Poulente et bookmaker à ses heures, revient de l'attaque du Fort de Nogent une grenade à la main. Boulevard de Strasbourg un camion allemand semble à l'abandon. Il s'approche mais est aussitôt abattu d'une balle.


Au Perreux la troupe allemande se livre à des exactions sur son passage; deux FFI ont ouvert le feu sur une automitrailleuse, la riposte est sans pitié. On peut relever :

Jean Bournazeau, 59 ans, tué 62 rue de la Gaîté

Louis Brousse, 42 ans, 14 avenue Lamartine

Yvonne Chemineau, 33 ans, et sa fille Annie âgée de 7 ans

Emile Laffargue, 33 ans

Jean-Georges Santenac, 69 ans, et son épouse Lucie, 63 ans

Louis Charles et Maurice Martin sont abattus 20, boulevard Alsace Lorraine puis tirés dans la cour du café Le Maryland où leurs corps sont arrosés d'essence et brûlés.

Roger Miel, 23 ans, FFI du secteur Est

Jean-Louis Dufour, 36 ans, tué devant le n° 93 de la rue du 11 Novembre alors qu'il porte secours à un blessé.

 

Robert Sirejols, 39 ans, brancardier de la Défense passive, mortellement atteint lors de l'attaque du Centre de secours du rond-point de Plaisance.

Les deux FFI ont tiré sur l'automitrailleuse allemande qui fermait la marche d'un convoi, avec un revolver de petit calibre. Pas de quoi faire de gros dégâts ! Mais les occupants du véhicule, exaspérés, ont appelé des renforts. Le convoi a fait demi-tour et ouvert le feu sur tout ce qui bougeait. Il s'est arrêté devant le poste de secours. Les soldats allemands, descendus des véhicules, rassemblent une centaine de personnes mains sur la tête. Ils sont menaçants. Une équipe de pompiers a été dépêchée de Fontenay sous Bois pour éteindre l'incendie causé par le jet d'une grenade dans le Familistère tout proche. Ils sont arrêtés et se joignent aux prisonniers. Paul Louis, de la Défense passive, venu aider les pompiers, est abattu sur place.

Un tri est fait. Quarante hommes seront retenus en otage : des sapeurs-pompiers, des membres de la Défense passive et des civils. Les Allemands les emmèneront dans leur retraite (voir convoi parti du Perreux-sur-Marne). Certains seront abattus en cours de route, d'autres mourront dans un camp de concentration.

Célestin Barba (Barra ?), 53 ans, décédé à Bergen-Belsen.

Louis Bayeurte, 37 ans, membre de la Défense passive, décédé le 15 mars 1945 à Mathausen.

Marcel Bouzat, 43 ans, décédé le 9 mai 1945 à Mathausen.

Albert Bulte, 55 ans, décédé le 5 mars 1945 à Mathausen.

Louis Cocaigne, 51 ans, chef de poste de la Défense passive, décédé le 15 mars 1945 à Bergen-Belsen.

Maurice Creveau, 23 ans, sapeur-pompier, décédé le 15 mars 1945 à Neuengamme.

Léon Crumeyrolles, 37 ans, décédé le 27 mars 1945 à Gusen (Autriche).

Fernand Delarue, 43 ans, brancardier de la Défense passive, décédé le 18 février 1945 à Bergen-Belsen.

Marcel Ethoré, 43 ans, brancardier, abattu au cours d'une tentative d'évasion à Lépine ou décédé en mai 1945 à Grabow.

Jean-Paul Faugeroux, 34 ans, médecin-chef adjoint du secteur sanitaire et lieutenant des FFI; aurait été exécuté sur la route de Chelles.

Raymond Faux (False ?), 36 ans, décédé en février 1945 à Bergen-Belsen.

Armand Garancher, 65 ans, décédé le 13 février 1945 à Bergen-Belsen.

René Hesmes, 46 ans, membre de la Défense passive, décédé en mars 1945 à Politz (Pologne)

Maurice Lamant, 33 ans, décédé à Bergen-Belsen.

Raymond Meurat, 30 ans, décédé le 22 avril 1945 à Gusen.

Jean Morin, 20 ans, membre de la Défense passive, porté disparu.

Roger Pannard, 23 ans, sapeur-pompier, décédé le 27 avril 1945 à Bergen-Belsen.

André Petit, 33 ans, brancardier de la Défense passive, décédé le 11 avril 1945 à Sachsenhausen.

Robert Placidet, sapeur-pompier, décédé en avril 1945 à Hambourg

Eloi Poujade, 51 ans, porté disparu.

Raymond Robert, 48 ans, membre de la Défense passive, décédé le 17 février 1945 à Mathausen (son frère, soldat des FFI, est mort, victime d'une mitraillade, le 19 août à Paris).

Emilio Sartorelli, 38 ans, décédé le 30 janvier 1945 à Sachsenhausen.

Raymond Thion, 42 ans, décédé en janvier 1945.

J. Touchais

Jean Weigmann, 25 ans, sapeur-pompier, décédé le 15 mars 1945 à Neuengamme.

Bernard Velghe, 17 ans, membre de la Défense passive, aurait été abattu à Reims.

Gaudenzio Zonca, 57 ans, porté disparu.

 


l'arrivée des Américains au Perreux le 25 août en fin d'après midi

La plaque commémorative annonce 26 victimes mais répertorie 27 noms ? Et il manque le sapeur-pompier Maurice Caupain, 23 ans, de la 23ème Compagnie de Saint-Maur, exécuté d'une balle dans la tête au cours de la retraite à hauteur de Lagny-sur-Marne (77) parce qu'il tentait de parler avec des civils.


Les combats de la Maltournée, à Neuilly Plaisance, se concentrent autour de l'usine Thomson qui a été occupée par une forte troupe allemande. Les FFI se sont regroupés près de l'usine à gaz. On peut noter entre autres la présence d'éléments du bataillon "Désiré" des Batignolles. Les escarmouches causeront de nombreuses victimes, mais la garnison est trop imposante pour une attaque de front. L'affaire se poursuivra jusqu'au lendemain 26 août, s'étendra boulevard Alsace-Lorraine et cité Verdier. Un petit détachement américain arrive et vient s'installer près du dépôt d'autobus. Un GI est mortellement atteint. L'officier demande des ordres. Des renforts vont arriver. Mais dans la nuit les Allemands abandonnent leurs positions et se replient vers Gournay non sans avoir mis le feu à l'usine et au garage Nortier. 

Les victimes :

Lucien Bellivier, 24 ans, de Nogent sur Marne

Georges Carlière, 33 ans, boucher à Nogent sur Marne

Lucien Paturot, 36 ans, adjudant des FFI de Neuilly sur Marne, tué rue du Bocage

Roger Beffrey, 36 ans, employé des PTT, capturé et fusillé. Médaillé de la Résistance

Eugène Crépieux, 20 ans, FFI du 9ème arrondissement de Paris

 

le FFI Lacroix, mortellement blessé, décèdera huit jours plus tard

Emile Laffargue, 47 ans, tué devant le dépôt d'autobus

Jean Manain, du Perreux, FFI du secteur Est

Roland Mur, 37 ans, sous-lieutenant FFI du Perreux, tué devant le dépôt d'autobus

Corentin Ollier, 48 ans, FFI de Neuilly-Plaisance, tué alors qu'il met en position sa mitrailleuse pour prendre en enfilade la route nationale

 

Léon Remondet, sergent FFI du Kremlin-Bicêtre

Alfred Steinhart, FFI du Perreux

Un FFI non encore identifié tué cité Verdière, deux autres rue du Maréchal Foch au 147 et au 149.

Gilbert Ribatto, 43 ans, commerçant de Fontenay sous Bois, sous-lieutenant FFI et membre de l'OCM (Organisation civile et militaire)