Le Tapis Vert à Clamart

Le 22 août 1944, le journal l'Humanité fait paraître cet avis d'obsèques. Un combat s'est déroulé à Clamart, les victimes ont été inhumées au cimetière communal. L'Humanité ne cite que Léon Marchand, âgé de 17ans, certainement un F.T.P (franc tireur partisan) local. Mais qui sont les autres combattants, que s'est-il passé ? A Clamart, devant la Cité du Jardin-Parisien, on peut découvrir aujourd'hui cet imposant monument. Et 14 noms gravés dans la pierre dont celui de deux fillettes, Raymonde et Gisèle, âgées d'à peine 2 et 3 ans…

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Le 19 août 1944, l'ordre est donné partout de s'emparer des mairies. Le Comité local de libération de Clamart décide de passer à l'action. A 13h00 un groupe de F.F.I intercepte un camion allemand, capture les trois occupants et récupère ainsi trois fusils mitrailleurs, un téléphone de campagne et un canon anti-chars. Les prisonniers sont laissés à la garde d'un jeune homme de 15 ans dans les sous-sols de la Poste. La population en liesse pavoise la façade de la mairie. Le groupe de F.F.I, fort de ce premier succès et ayant reçu le renfort d'un autre commando, décide d'aller attaquer les Allemands qui ont été vus dans les bois de Clamart, au lieu-dit le Tapis Vert. Il y aurait là quelques véhicules et donc certainement des armes à prendre.

A 14h30, les F.F.I, qui ont réussi à s'approcher des positions allemandes sans se faire repérer, ouvrent le feu sur une auto mitrailleuse et un camion. Bilan : dix prisonniers ennemis et un important butin. La fusillade qui a déchiré le silence des sous-bois a alerté le gros de la troupe. La riposte est immédiate. Une compagnie au moins de grenadiers suivis d'une section de S.S appuyés par deux autos mitrailleuses accourent et encerclent les F.F.I. Le combat qui s'engage va durer environ deux heures. Tapis dans les fourrés, les F.F.I se défendent avec acharnement. Les Allemands gênés par la végétation du sous-bois ne peuvent se déployer à leur aise. C'est une mortelle partie de cache cache.

Six F.F.I ont été tués. Huit autres sont blessés mais transportables. Il est décidé de décrocher, le combat est trop inégal et il ne faut surtout pas se laisser capturer; les Allemands ne font pas de quartier, considérant les combattants comme des terroristes et leur refusant le statut de prisonnier de guerre. Michel Weishaar, Adalbert Sipos, Georges Lionnet et Henri Gros se portent volontaires pour couvrir la retraite. Ils récupèrent des munitions supplémentaires et font face aux assaillants. Sous leurs feux de protection particulièrement nourris les hommes parviennent à s'enfuir, emmenant avec eux les blessés.

Henri Gros peut enfin donner l'ordre de repli. Les quatre hommes abandonnent leurs armes et s'enfuient en courant. Deux autos mitrailleuses se lancent à leur poursuite et parviennent à les rattraper au lieu-dit le Soleil Levant, juste à côté de l'école du Jardin parisien. Les quatre prisonniers sont collés au mur et, sans autre forme de procès, abattus aussitôt.


rue des Carnets

C'est à ce moment précis que surgissent M.et Mme Schmauder, accompagnés de leurs petites filles. La famille revient d'une promenade à l'étang Colbert et, sans doute alertée par les coups de feu, tente de regagner très vite son domicile. Les soldats allemands surexcités par les durs combats qu'ils viennent de livrer s'emparent d'eux et les fusillent au même endroit.

Tout ce raffut a été entendu jusqu'à la mairie. On se dépêche de faire disparaître les drapeaux alliés qui ont été accrochés à la façade puis tout le monde se disperse. Vers 17h00, quand les Allemands pénètrent dans la ville, tout est calme. Miraculeusement il n'y aura pas d'autres mesures de représailles.

Le surlendemain, 22 août, seront organisées les obsèques des quatorze victimes en présence d'une foule importante et particulièrement émue.

Les victimes :

Robert Bouquet, 23 ans, étudiant et sous-lieutenant des F.F.I

Alexis Cousin, 34 ans, inspecteur au Ravitaillement et lieutenant des F.F.I

Henri Gros, 42 ans, brigadier de police au commissariat de Sceaux; mortellement blessé lors de la fusillade devant l'école, il sera évacué à l'hôpital d'Issy les Moulineaux où il décède le 21 août.

Lucien Henri, 19 ans, manoeuvre et soldat des F.F.I

Jean-Marie Kerling, 19 ans, soldat des F.F.I et membre de la Défense passive du Plessis Robinson

Georges Lionnet, 30 ans, comptable, médaillé de la Résistance à titre posthume, membre du réseau Les Ardents

Julien Maillard, 42 ans, photographe et soldat des F.F.I du réseau Les Ardents

Léon Marchand-Revers, 17 ans, maçon et soldat des F.F.I

Adalbert Sipos, 23 ans, tourneur et agent de liaison de la Défense passive de Clamart

 

Michel Weishaar, marchand de pièces automobiles à Clamart, membre du réseau Les Ardents

Jean Schmauder, 24 ans, comptable

Marcelle Schmauder, 25 ans

Gisèle Schmauder, 3 ans

Raymonde Schmauder, 2 ans

(photo Souvenir français comité de Clamart)

Le gardien de la paix Jacques Debeugny, 30 ans, ne figure pas sur le monument. Grièvement blessé lors de l'attaque il décèdera à l'hôpital en avril 1946.