Le rescapé de la traction avant

Le 21 août 1944 une traction avant immatriculée 9835 RK 4 est stoppée par le tir d’une patrouille allemande sur le boulevard Magenta près de la gare du Nord et vient s’encastrer dans la vitrine du magasin de porcelaine d’André Tantot au numéro 132. Les soldats sortent les blessés du véhicule et les achèvent. Lire Les passagers de la traction avant. 

Selon la plaque commémorative que l’on trouve sur place, ce 21 août cinq FFI non identifiés ont été tués ici tandis que parmi les passagers du véhicule on relève trois blessés et deux tués : Gary Brulé et Yvan El Daroff. Au cours de mon enquête j’ai pu identifier deux FFI du 10ème arrondissement morts : Jean-Jacques Désiront et Edmond Mus et un passager de la traction grièvement blessé qui survivra : Edmond Bouchetou.

Grâce à Anne Lignais nous pouvons mettre un nom sur un deuxième FFI blessé dans la voiture, son père Georges à peine âgé de 18 ans.

Fils d’un Alsacien ayant connu l’occupation allemande jusqu’à la Grande Guerre et d’une institutrice progressiste de la région de Méru dans l’Oise, Georges est apprenti chez un maître joaillier de la rue de Saussure dans le 17ème. L’une de ses sœurs est apprentie modiste, la deuxième suit des cours dans une école d’esthétique. L’une des spécialités de Georges dans la résistance, la récupération de douilles et le sertissage de balles.

Georges Lignais fait partie de l’expédition de la traction avant envoyée récupérer des armes et des munitions dans un dépôt à Saint-Ouen. Au cours de la fusillade une balle le touche à la tête, une autre lui traverse la jambe. Un soldat allemand s’approche pour achever les blessés. Georges est recouvert du sang de ses camarades et fait le mort, évitant ainsi le coup de grâce. Quand un autre soldat se penche pour lui voler sa montre il reste immobile puis perd connaissance. Quelques minutes plus tard une infirmière constate qu’il respire encore ; il est dirigé vers un hôpital où après plusieurs jours d’angoisse sa famille peut enfin le retrouver. 

Sur la photographie de gauche un soldat se penche sur un corps. Pour lui voler sa montre ?

Georges Lignais détestait parler de son aventure sauf en riant avec son petit-fils à qui il expliquait qu’il lui manquait un bout d’oreille.