La libération du 15ème

Le 19 août 1944 une formation de FFI s’empare du lycée Camille-Sée et de la mairie du 15ème. Le Comité local de libération qui jusque là se réunissait rue Bixio ou rue du Général-Beuret prend possession des locaux sous la direction de René Ducrotoy, futur maire communiste de l’arrondissement. De nombreux volontaires affluent, ils sont organisés en bataillons sous les ordres du lieutenant Pascal, du commandant Royo et du capitaine de Monségou qui malheureusement ne peuvent pas tous les armer ; il faudra se servir sur l’ennemi. L’ennemi, d’ailleurs, est vite contraint de se regrouper dans des points d’appui fortement défendus et ne peut que lancer des patrouilles dans les rues de l’arrondissement qui se sont hérissées de barricades et d’obstacles antichars. La chasse aux convois isolés est ouverte. Crève-pneus, tireurs embusqués et cocktails Molotov les immobilisent, les FFI se ruent ensuite pour s’emparer de leurs chargements d’armes et de munitions. Les dépôts et les garages sont également attaqués, souvent au prix de lourdes pertes dans les rangs des assaillants. 

une barricade rue Lecourbe (collection Christiane Milet)

Les Milices patriotiques prennent les écoles de la rue Lacordaire occupées par les miliciens de Darnand et récupèrent un canon de DCA avec deux caisses de munitions. Un groupe de policiers et de FFI tente de s’emparer du garage de la rue des Morillons. L’opération tourne à leur désavantage. Une section du Mouvement de libération nationale enlève le Ministère de l’air et le Parc des expositions. Un commando de FTP détruit une colonne motorisée sous le pont du chemin de fer boulevard Victor. Les occupants  des ateliers de la TCRP de la rue Charles-Lecoq sont pris au piège et doivent se rendre. Les abattoirs de Vaugirard sont l’objet de plusieurs attaques allemandes. Les FFI de Libération-Nord, les Milices patriotiques du MLN, le groupe franc  Défense de la France, la compagnie Charles-Michel et un détachement de Fabien se relaient pour en assurer la défense. Les hommes du  commandant Ledroit et du le lieutenant Georges tentent en vain de déloger l’importante garnison de la SMIM (Croix-Nivert/Javel/Lecourbe/Convention) et il faudra l’intervention d’un gazogène transformé en engin blindé envoyé par le PC Dantzig pour y parvenir enfin. 

une barricade de l'avenue de la Motte-Picquet-Grenelle (collection Christiane Milet)

L’escadron de Vaugirard et les cheminots de Montparnasse se heurtent à une vive résistance dans les entrepôts frigorifiques de Vaugirard tenus par les Allemands, il leur faudra trois jours pour en venir à bout. Tandis que le Grand-Palais brûle un char ennemi débouche de la rue Vaugirard et arrose la barricade du carrefour de la Convention. La garnison  de l’Ecole Militaire tente une sortie en direction du Sud-ouest et se répand avenue de Lowendal, impasse Grisel, rue Marci-Nikis. Place Cambronne un groupe de soldats parvient à grimper sur le ballast de la ligne de métro aérien d’où il peut prendre en enfilade toutes les rues adjacentes. Il sera refoulé par les tirs d’une équipe de cantonniers de Paris juchée sur une benne Somua reconvertie en char d’assaut. Les FFI du lycée Buffon attaquent boulevard Pasteur et boulevard Garibaldi. 

L’agent de liaison du 15ème secteur de la Défense passive Roland Abon a été mortellement blessé 52, avenue de la Motte-Picquet-Grenelle. Le FFI de l’Escadron de Vaugirard Louis Baron est tombé 50, boulevard Pasteur.

Un détachement de policiers dégage la rue Lecourbe. La colonne allemande regagne ses abris dans l’Ecole Militaire. La barricade du carrefour Sèvres-Lecourbe est attaquée par plusieurs chars. Il faut l’intervention d’un corps franc du 14ème muni de bouteilles incendiaires pour repousser les assaillants. Les équipes des jeunes secouristes de la Croix-Rouge sont sur tous les fronts et se dépensent sans compter au prix de nombreuses pertes dans leurs rangs. Le soir du 24 août les Allemands tentent une dernière attaque sur les abattoirs de Vaugirard. 

Le sapeur-pompier René Bertel a été tué par un tireur des toits rue de Presles. Le FFI de l’Escadron de Vaugirard Paul Budant a été mortellement blessé le 25 août, également par un tireur des toits, rue des Morillons.

Les combats dureront jusqu’à deux heures du matin mais les défenseurs parviennent à les repousser. Un convoi de voitures ennemies est signalé se dirigeant vers la Porte de Versailles. Les Milices patriotiques postées sous le pont du chemin de fer rue de Vaugirard ouvrent le feu et le stoppent. Les Allemands sont obligés de s’engager dans les rues voisines pour échapper au piège. Mais les rues du Hameau et Auguste-Chabrières sont hérissées de barricades. Un cocktail Molotov est lancé sur l’un des camions gazogène ; le feu embrase les dix-sept voitures chargées de carburant et d’explosifs ; quatre boutiques sont sinistrées, une cinquantaine de soldats allemands sont capturés. 

Les FFI Georges Dupont et Marcel Guillaumin ont été tués lors de l'attaque du convoi allemand (lire fiche du Musée de la Résistance en ligne).

Soudain les cloches de toutes les églises sonnent à la volée. Nous sommes le 24 août, il est 21h30. L’Armée Leclerc est entrée dans Paris. Mais la bataille n’est pas terminée. Le lendemain la 2ème Division blindée réduit un à un les points d’appui tenus par les Allemands à l’Opéra, à la République, rue de Rivoli, au Luxembourg et à la Chambre des députés. Les FTP du 15ème sous les ordres du colonel Fabien se battent au Sénat. 

Le caporal Charles Evrard a été mortellement blessé par un tireur des toits rue de la Fédération. Le FFI et cheminot André Gardelle a été tué rue de la Procession lors de l’attaque des Frigorifiques.

L’escadron de Vaugirard, renforcé par des FFI du 7ème et une compagnie du Maquis du Loiret, prête main-forte lors de l’attaque de l’Ecole militaire par le 12ème Cuir et les Spahis. La garnison finit par se rendre, elle a perdu une centaine de tués. 

construction d’une barricade de sacs de sable rue du Laos et colonne de prisonniers allemands de l’Ecole Militaire

Le lendemain 26 août de nombreuses patrouilles sont organisées dans les rues de l’arrondissement ; il s’agit de pourchasser les tireurs des toits qui font de nombreuses victimes parmi la population qui fête la libération de la capitale. 

une patrouille de policiers rue Péclet (collection Christiane Milet)

L’escadron de Vaugirard du capitaine de Monségou sera l’une des rares unités constituées à être intégrée en bloc dans les rangs de la 2ème DB où il formera la 8ème compagnie de combat du 2ème bataillon du Régiment de Marche du Tchad aux ordres du commandant Massu.

A lire : « Les combats de la libération » Alcide Morel, membre du MLN au Comité local de libération du 15ème (1974).