Jean, sapeur-pompier au Raincy

 

En août 1942, à seulement 19 ans, le jeune Jean Richard préfère courageusement s'engager dans le corps des sapeurs-pompiers du Raincy pour devenir secouriste plutôt que d’être réquisitionné au titre du Service du travail obligatoire (S.T.O) institué par le Gouvernement de Vichy et destiné à fournir à l’Allemagne une main d’œuvre qui lui permettra de remplacer ses ouvriers mobilisés sur le front.

En avril 1943, il est nommé caporal mécanicien-ambulancier et en novembre obtient une spécialisation de sauveteur-secouriste. Dans son équipe, son ami Roland Charreton, 19 ans, Jules Lotte, 41 ans, et les frères Hildevert : Georges, 19 ans, et Roger, 21 ans. Sa sœur Jeannine avait le souvenir qu’il était très apprécié du capitaine Massin, inspecteur adjoint des services incendie de la Seine-et-Oise et commandant du Raincy. 

Le commandant Charles Hildevert a recruté dans la banlieue parisienne suffisamment de volontaires pour former trois compagnies regroupées en bataillon. Sous les ordres de René Dumont-Guillemet, alias Armand, chef du réseau Armand Spiritualist, il participe à de nombreuses actions de sabotage et de recherche de renseignements.

 

19 août 1944, Paris se soulève. Hildevert et ses hommes restent en réserve. Leur mission sera de récupérer un important parachutage d’armes et de matériels à une quarantaine de kilomètres à l’Est de la capitale puis de se porter à Meaux pour couper la route à l’Armée allemande en retraite. 

Le 23 août au plus fort de l’insurrection, Jean Richard est chargé de conduire une femme enceinte à l’hôpital Baudelocque, boulevard du Port-Royal. Passant dans le quartier Saint-Michel, il est requis pour transporter des blessés à l’Hôtel-Dieu tout proche de la Préfecture de Police alors que les combats font rage.

Le 26 au petit matin, deux jours après son vingt-et-unième anniversaire, sa jeune femme Thérèse enceinte de trois mois qui a un pressentiment le supplie de ne pas partir mais la solidarité envers  ses compagnons est la plus forte et le voilà sur la Nationale 3 au volant d'un des véhicules du convoi en route vers  Oissery  pour réceptionner le parachutage. Fait-il partie des combattants ? Les accompagne-t-il en qualité de secouriste ? Les documents conservés par son fils ne le précisent pas. Au dernier moment l'un de ses compagnons, Charles, qui épousera Jeannine après la guerre, ne peut se joindre au convoi car il est malade. Ce rendez-vous manqué le marquera jusqu’à la fin de sa vie.

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Sur le lieu du parachutage le bataillon Hildevert tombe sur un important détachement allemand. La lutte s’engage et tourne vite au massacre. Plus de cent morts. Vingt-sept blessés achevés puis brûlés à la Râperie aménagée en poste de secours. Des hommes capturés et fusillés. Les soldats du I/Panzer grenadier regiment 11 du capitaine Günther Schemm se sont déchaînés. Les prisonniers sont embarqués dans des camions et envoyés dans des camps en Allemagne. Beaucoup y périront. Le maire d’Oissery fait ouvrir une fosse commune, les cadavres y sont inhumés. 

Selon Jeannine, Jean Richard a été fusillé en compagnie de son ami Roland Charreton. L’acte de décès dressé par le maire de Forfry indique qu’il est mort (que son cadavre a été retrouvé ?) au lieu-dit La Longuenne. Sur les listes du bataillon Hildevert, Charreton est réputé mort à Oissery. La confusion du moment explique peut-être ces différences dans les détails. Jean sera inhumé au cimetière du Raincy le 6 septembre 1944 juste à côté de la sépulture commune de ses camarades du Groupe Charles-Hidevert.

 

En 1946, l’Amicale du groupe revient sur les difficultés rencontrées lors des exhumations, du transport dans les communes d’origine, du dénombrement des victimes et des disparus et souligne la défaillance des Administrations officielles. Un monument commémoratif est élevé dans la commune du Raincy et un pèlerinage est organisé sur les lieux des combats. Dernière précision, le commandant Charles Hildevert est décoré à titre posthume de la Croix de la Légion d’honneur tandis que tous ses hommes tués ou disparus reçoivent la Croix de Guerre.

Comme dans beaucoup de familles, cette tragique disparition laissera des cicatrices qui ne s'effaceront jamais. Les parents et la jeune veuve de Jean Richard seront affectés à vie par les conséquences de cet acte de résistance. Thérèse accouchera d'un fils le 14 février 1945 à une heure du matin alors que Dresde subit le plus dur bombardement jamais effectué en Allemagne par les Alliés.

Un grand merci à Jean-Marie Richard, son fils, qui a bien voulu nous faire partager ses souvenirs et ses documents.