20h00 André tué.

Boulevard de Sébastopol, à la hauteur de la rue de la Reynie, un gros camion postal allemand avec sa remorque est pris d’assaut, renversé et fait barricade au travers du boulevard. Pendant toute la journée les voitures allemandes ne s’approchent pas sans arroser de leurs mitrailleuses les maisons alentours (journal Le Franc Tireur du 21 août 1944). 

Cette coupure de presse a été annotée par Marie-Thérèse Martin : « 20h00, André tué ». Il s’agit de son frère âgé de 44 ans tourneur-outilleur chez le constructeur Gnôme & Rhône et domicilié 43, rue de Montmorency, tombé le premier jour de l’insurrection dans le quartier des Halles. 

Ce 19 août 1944 les policiers en grève depuis quatre jours se sont emparés de la Préfecture. L’insurrection est lancée ! Des coups de feu se font entendre un peu partout dans la capitale. Avenue de l’Opéra une voiture montée par des FFI tire sur des soldats allemands qui répliquent par des tirs de mitrailleuses. Même chose place de la Concorde ou sur les quais des Tuileries. Des véhicules blindés menaçants viennent stationner devant l’Hôtel de Ville.  Quelques passants curieux s’approchent vite écartés par une rafale tirée en l’air. Dans l’après-midi on se bat autour de la Caserne de la Cité. Coups de canon, grenades, crépitement d’armes automatiques. Les Allemands sont sur le qui-vive. Ils ont été surpris. L’état-major des FFI lance ses ordres : réquisitionner toutes les automobiles, patrouiller et attaquer les soldats isolés, créer un climat d’insécurité chez l’ennemi, occuper les bâtiments publics, les usines, les magasins généraux, les centraux téléphoniques et les gares. Le succès de l’insurrection dépend de la volonté de la population d’entrer dans la lutte.

barricade 42, boulevard de Sébastopol

Les Halles de Paris, point névralgique s’il en est,  sont investies par les Milices patriotiques qui défendront les dépôts de vivres. Le maître d’hôtel Marcel Faucher dit Bara, 38 ans, dirigeant du mouvement syndical de l’alimentation, est particulièrement chargé du marché central. Des obstacles sont installés dans les rues avoisinantes, ce ne sont pas encore des barricades, mais ils empêchent les Allemands de circuler librement. Le groupe Sébastopol sillonne les rues de l’arrondissement et attaque les véhicules qui s’y aventurent.  Deux FFI, André Prévost et un inconnu sont tués. Un camion est capturé devant les magasins Damoy et mis en travers du boulevard le 20 août selon cet article du Département AERI de la Fondation de la Résistance, le 19 selon le journal Le Franc Tireur daté du 21 août. 

secouristes aux Halles

Les magasins Damoy situés au 31 boulevard de Sébastopol faisaient l’angle de la rue de la Reynie. Il s’agit vraisemblablement du même camion même si les dates diffèrent. On relève ce jour-là également les décès de Jeanne Ychard, née Pourrat, abattue 8, rue de la Grande-Truanderie et d'André Martin dont le cadavre est relevé 36, boulevard de Sébastopol devant les Etablissements Zwicky selon les Archives de la Seine. 

André Martin est-il le FFI inconnu du groupe Sébastopol tué avec André Prévost ? Est-il un passant victime d’une mitraillade aux abords de la barricade des magasins Damoy ? Son acte de décès dressé le 29 août 1944 à 11h00 sur la déclaration de Victor Hervy, directeur commercial domicilié 25 rue Berger, ne comporte pas la mention "Mort pour la France". Mais sa veuve n'a peut-être simplement pas effectué les démarches nécessaires. Ce qui est sûr c'est que André Martin militait au Parti communiste comme ses frères et soeurs. Marie-Thérèse, qui a annoté le journal, a d'ailleurs été emprisonnée au camp de Beaune-la-Rolande.

Sébastopol ! Le nom de cette ville de Crimée résonne étrangement dans la famille Martin. René, le frère d’André, marin sur le croiseur cuirassé Ernest-Renan, n’a-t-il pas participé aux mutineries de la Mer Noire en 1919 ?

Un grand merci à Quentin Rodriguez, petit-neveu d’André Martin, qui a bien voulu partager avec nous ses documents, ses recherches et l’histoire de sa famille.